Tu fais un petit trou dans la terre, de la profondeur d'un doigt, maximum. Ta main passe le long de ta tunique pour venir piocher une graine dans la sacoche accrochée à ta ceinture. Tu plantes ensuite minutieusement la graine dans le trou, avant de le reboucher d'un revers de la main. Et hop, un futur pommier.

Assis sur tes talons, tu répètes cet étrange manège depuis quelques heures, un sourire on ne peut plus niais gravé sur le visage.
Ton jardin prend forme. Ton jardin est beau. Bien plus beau que tout ce que les humains avaient laissé dans cette ville. Ici, ça ne pue pas. C'est normal, tu as commencé par planter du jasmin, du chèvre feuille et des glycines entre les gravats et le long des murs. Pour ceux là, tu as œuvré dans l'urgence, utilisant avec précaution juste assez d'énergie pour faire pousser les plantes et éclore les fleurs. Puis tu as ensuite organisé le potager, positionné chaque graine, déclenché la germination, la floraison...
Et tu es allé faire une sieste sous les feuilles, parce qu'il ne faut surtout pas trop se fatiguer, la fatigue, c'est dangereux pour ta santé.

Aujourd'hui, tu t'attaques aux arbres fruitiers. Ils sont bien plus difficiles à faire pousser rapidement que les autres, alors tu te contentes de planter pour le moment, et de laisser faire la nature. Tu trouves qu'il est juste de laisser parfois un peu de temps aux choses.

Honnêtement, Inari, tu n'as rien remarqué de ce qui se passe autour de toi. Tu n'est pas très au point sur les actualités humaines en ce moment, certainement trop occupé un renifler un coin pour planter trois pissenlits.
Mais voilà qu'on t'interrompt dans ton labeur. Une voix survenue de derrière toi qui te hèle, toi et ta forme humaine. Tu reposes ta graine dans la sacoche, te redresses et fait volte face à l'inconnu que tu entreprends de dévisager de la tête aux pieds. La mode humaine de cette ville est particulièrement lugubre, semblerait-il.
C'est le premier humain que tu croises ici, et n'a pas franchement l'air très frais. Tu hausses un sourcil et lèves les yeux pour t'adresser à lui. Tu ne te sens pas en danger. Il - tu supposes que c'est un homme - a juste l'air un peu louche, mais pas de quoi prendre de grandes précautions. Peut être est-ce le moment d'en profiter pour obtenir quelques ragots.

« Oui ? Qu'est ce que tu me veux ? »

Tu fais un pas vers lui, l'examinant de plus belle, lui, son masque et ses vêtements.

« Oulalah... Je sais pas ce qui t'es arrivé mais t'as vraiment pas l'air d'avoir la pêche dis donc. Sans rire, t'as le teint d'un navet. Et encore, pas vraiment frais, le navet. »

Aucun sens du tact, tu continues en lorgnant sur le masque lui recouvrant la bouche.

« Qu'est ce que c'est que ça ?
Tu tends un doigt interrogateur vers le tissus blanc.
Tu peux parler avec ce truc ? »