L'étau se desserra de ma gorge, laissant mon corps glisser contre le mur pour s'affaisser au sol, inerte, reprenant mon souffle dans une respiration rauque. Le vampire m'avait lâché, détournant son attention de moi. Trop concentré sur la régénération de mon corps, je n'entendais pas ce qu'il se passait, je ne savais pas pourquoi il m'avait laissé tomber après m'avoir susurré son désir de vengeance.

Toussant encore un peu, mon regard se leva sur la scène, découvrant une Sharmal réveillée avec un Hyksos menaçant se tournant vers elle, oubliant sa cible première. Mon sang ne fit qu'un tour, et j'ignorais complètement l'appel de la blondinette, aussi bien dans son regard que par notre lien. On ne touche pas à mes calices. Je l'avais dit et répété et quand bien même son idée était de se faire mordre par celui-là, je ne pouvais permettre qu'un autre laisse de traces sur sa peau. Elle m'appartenait et je ne supporterais pas qu'on me trompe.



Il n'aurait pas dû détourner son attention. Il ne pouvait pas être si confiant non plus. Il avait bien vu que j'étais un sang bleu, il avait dû le sentir et sa griffure sur ma joue l'avait confirmé, la plaie suintait encore du liquide azur. Je pensais que même il aurait compris le lien qui existait entre elle et moi, c'était logique, autrement, elle n'aurait jamais laissé un vampire dormir dans sa chambre alors qu'elle connaissait sa nature. Qu'avait-il en tête ? Sa rae l'aveuglait à ce point ? Que voulait-il faire d'elle ? Quoiqu'il en soit, je ne le laisserais pas faire.

Je lui sautais dessus, émettant ce cri guttural qui réveillerait sans doute les voisins, oubliant toute arme pour n'user que de la force bestiale. Je ne ferais pas le poids face à lui, ce n'est pas grave, je comptais juste lui montrer qu'on ne touchait pas à ce qui m'appartient. Sortant les griffes et les crocs, je lui laissais une belle tigrure sur le cou qui lui tira à son tour un cri de rage. Il se tourna sur moi plus rapidement qu'il ne l'avait fait pour Sharmal et je sentis dans son regard cette envie de meurtre, d'en finir avec moi, d'avoir niquer son visage de beau gosse. Un fin sourire s'esquissa sur mes lèvres et je lui répondis. Il est temps d'entrer dans la danse. Je me recule, m'écartant de lui pour imposer une distance de sécurité entre nous. Je n'avais aucune chance face à un ancestral, mais je pouvais au moins le ralentir, le blesser un peu.



Sharmal pouvait faire ce qu'elle voulait, du moment qu'elle ne s'en mêlait pas, tout se passerait bien. Comme deux loups se disputant une côtelette d'agneau, nous nous scrutâmes, grognant avec menace jusqu'à ce que le combat s'engage. Un coup de crocs en l'air, un autre dans l'épaule déchirant la chair, des coups de griffe ou des coups de poings, chaque choc affaiblissait l'adversaire, mais j'en recevais plus que je n'en donnais. Il était plus rapide, plus fort et encaissait mieux. Le sang bleu giclait, les meubles commençaient aussi à voler - c'est malin, ça traînait dans le passage - dans un bringuebalement sonore.

Finalement, nous nous rendîmes compte que l'espace était trop restreint, nous nous faisions limite plus mal en nous cognant de toutes parts et comme la fenêtre était déjà ouverte... Je sautais en premier à l'extérieur en passant par la vitre cassée, suivi de près par l'autre, qui m'attrapa la jambe pour me faire voler contre le mur de la taverne. Rouvrant les yeux après le choc, je le vis foncer sur moi pour me flanquer un coup dans l'estomac, me faisant cracher du sang. J'aperçus rapidement dans l'obscurité de la rue, les lumières de la taverne s'allumer petit à petit tandis que des personnes se penchaient à leur fenêtre pour observer le spectacle, certains dans des cris effrayés, d'autres dans des grognements avant de disparaitre et dévaler les escaliers jusqu'au rez-de-chaussée.

Il ne me laissait aucun répit, me cognant jusqu'à ce que je fusse au bord de l'inconscience, crachant le sang bleu, s'échappant des nombreuses hémorragies internes que mon corps n'avait pas le temps de régénérer. Il était si rapide, si puissant par rapport à moi, et son âge n'empruntait rien à ses compétences, il m'était de loin supérieur, alors que je n'étais qu'un nouveau-né à ses yeux...

Au bout d'un moment, je n'entendais plus rien, je ne sentais plus mon corps, mon regard se floutait même, comme si tous mes sens m'abandonnaient. Non, plutôt c'était comme si j'étais sur un nuage. Vaguement, j'entendais un rire s'élever, et il me lâcha, ricanant de sa voix railleuse, se foutant de moi, tandis que j'avais du mal à tenir debout. Relevant le visage sur lui, ce fuut la rage, la haine qui me ressourça en adrénaline pour lui foncer dessus avec toute la force du désespoir. Mais il continuait de rire, comme si ma menace ne valait pas mieux que celle d'un moustique qu'il pourrait écraser d'une pichenette.

Ce fut son cri qui m'arrêta net. Ou son geste ? Peu importe, elle m'avait cloué sur place, et Hyksos ne s'était guère montré terriblement menaçant, comme s'il allait encaisser le coup juste pour me jauger ou me taquiner. C'était un jeu pour lui, j'étais son jouet, comme un chat avec sa petite proie, il joue avec un moment, avant de l'achever pour la dévorer sans plus de cérémonie. Je manquais de trébucher contre elle, pour éviter de la faire tomber dans mon élan. Pourquoi réagissais-je de la sorte ? J'aurais dû l'envoyer valser, mais elle aurait été blessée. Et là, en se foutant entre nous, elle aurait pu l'être tout autant.

Elle supplia, pleurnicha même, me remettant les idées en place. Mon regard qui était devenu rouge devant la soif de sang et de meurtre redevint sombre et je sentais la douleur me transpercer de toutes parts, les hématomes internes et le sang qui remontait de mes entrailles encore ouvertes. Mais le combat avait beau s'être arrêté, je sentais encore l'agressivité de l'ennemi dans ses paroles narquoises :



Il s'approchait de nous dangereusement, ignorant la menace de l'épée. Je ne pouvais pas bouger, sentant le pouvoir de Sharmal me régénérer et le mien en faire de même de l'intérieur. Mais lui, il n'avait pas grand chose. Même avec cette épée en argent, nous n'avions aucune chance. Quoique...

Sharmal héistait, mais mon regard était si haineux, que ce fut mon instinct qui se chargea de me faire bouger, empoignant l'épée, quitte à me brûler, je l'enfonçais pour atteindre le coeur, mais n'étant pas en forme - et parce que 'étais gaucher et non droitier -, je ne sus bien viser et atteins seulement son épaule. L'ancestral, surpris, prit le coup et se recula dans une grimace de douleur. Nos regards se croisèrent et nous nous jurâmes vengeance par ce simple geste.

Mais un coup de feu à hauteur de notre ennemi le fit reculer davantage et capituler. Il nous jeta un dernier regard empli de sous-entendus avant de s'enfuir dans la nuit. Le tir provenait d'une fenètre de l'auberge et on entendait des exclamations provenir des portes bloquées. Voyant mon état, je ne pouvais plus me présenter devant eux sans qu'ils ne me hâchent tout cru, à moins qu'ils ne soient vraiment cons, mais déjà Jevy soupçonnait quelque chose.



Je la pris par l'épaule, en sachant que j'avais du mal à marcher sans boiter tant que je n'avais pas entièrement récupéré, avec des gémissements retenus de douleur. Il ne m'avait pas raté l'enfoiré.