Vivre ou survivre ? Telle était la question. Actuellement, Aydin survivait. Comme il le pouvait, et avec ce qu'il lui restait. La vie n'était pas simple, il était bien placé pour le savoir car les rues de Kalel lui avaient appris tant de choses. A Froënbourg, le regard que lui portaient les passants en voyant ce pauvre gars perdu dans les rues de cette capitale glaciale, était presque désespérant. Oh, bien entendu, Aydin se fichait pas mal de ce qu'ils pensaient de lui et refuserait toute aide excepté si sa situation venait à sérieusement se gâter. Il n'avait pas besoin de la pitié de ces gens. Abrité sur une fontaine en plein Kalel, non loin des souks, couvert de ses tissus légers, Aydin était tranquillement assis les pieds dans la source d'eau, écoutant le doux son de l'eau rafraîchissante couler devant lui. Étonnant, le fait qu'un lac miniature puisse tenir sous la chaleur perpétuelle de la ville sans s'évaporer, et rester assez fraîche. Il devait y avoir un truc derrière les coulisses. M'enfin, plus rien ne l'étonnait, maintenant. Il pouvait bien pleuvoir des kebabs, il s'en offusquerait même pas. Fermant les yeux, il se concentra et apaisa son esprit. Une sensation de chaleur agréable parcourut ses doigts. Il sentit l'eau clapoter derrière lui et quelques gouttes vinrent lui caresser le visage pour retomber enfin pitoyablement à terre. 

-Inutile... Sans moi, tu es incapable d'en soulever beaucoup et bien longtemps.

Ryûjin. Ce dernier se trouvait auprès d'elle sous forme d'esprit, il pouvait sentir sa présence derrière lui. L'esprit dragon devait probablement être plongé dans la fontaine, profitant de la présence d'un point d'eau. Aydin soupira. Il avait raison. Avant hier, il avait abusé de son pouvoir, se faisant presque laminer par un type qu'il avait cru être un chasseur de ces maudits dieux. Il avait condensé l'humidité dans l'air autour de son adversaire, avait soulevé des vagues. Hier, il avait également tenté de puiser dans le peu de molécules d'eau qui se trouvaient dans l'air sec et éreintant sur le chemin qui menait à Kalel, lorsqu'ils étaient en train de traverser une partie du désert sur un chariot de marchands. D'où son état de faiblesse actuel. Bouffer toutes les céréales dans le placard ou emporter la masse de bouffe n'avait pas suffit à lui redonner assez d'énergie, évidemment. Aydin fit léviter une petite goutte d'eau et l'envoya s'écraser sur son invocation de kami, histoire de lui faire comprendre sa pensée. Ce dernier ne fit aucun commentaire.

-Je sais.

Aydin leva tendit sa main devant lui, pensif, là où l'esprit dragon avait tatoué l'origine de leur pacte, de leurs pouvoirs communs. Il brillait d'une lueur étrange, et une force magique l'incitait à utiliser la magie depuis quelques temps. C'était quand même bizarre, cette affluence, après son utilisation intensive il y avait quelques jours.

-Ryûjin... Tu veux bien activer notre pacte quelques minutes, histoire de défouler toute cette magie accumulée ? Le flux commence à me démanger désagréablement la main, et un tatouage qui brille, ce n'est pas très discret.

Autour d'eux, il n'y avait que très peu de peuple, juste quelques lurons occupés à leurs sombres affaires, à marchander. Quelques gamins passaient par là en gueulant, jouant à des jeux dont Aydin comprenait vaguement le principe mais n'avait pas la foi de réfléchir plus dessus, sachant que si il montrait une certaine curiosité envers ces gosses, ils finiraient par le coller comme des satellites autour de leur planète, et c'était pas franchement ce qu'il voulait. Là, la tranquillité était de mise. Il souhaitait s'amuser un peu avec son pouvoir difficile à maîtriser. Des nuées d'eau. Un petit siphon. Clapotis d'eau. Sentant la sueur couler sur son front, il n'y fit pas attention et commença, petit à petit, à tenter de former un dragon d'eau miniature sous les yeux curieux des rares passants, qui devaient se demander quelle sorte de sorcellerie était cette chose. Mais soudain, les choses dérapèrent. Le jeune homme au teint basané perdit le contrôle, et l'eau se jeta... sur un passant aux cheveux noirs, assez chétif. Il fit genre il ne s'était rien passé, jusqu'à ce qu'il capte son regard lorsqu'il chercha l'origine de cette attaque aqueuse. Ce type... Il était pas inconnu. Aydin plissa les yeux. Puis son cerveau ne fit qu'un tour. D'une impulsion, il courut avec agilité jusqu'à lui et lui balança un poing sur le torse avec un sourire de challenger.

-Corbac ! Ça fait longtemps !

Aydin posa ses mains sur sa taille avec espièglerie et le jaugea du regard, attendant sa réaction avec impatience.

Ça faisait vraiment un moment qu'il n'avait pas revu ce type blasé de la vie. D'ailleurs, il semblait l'être toujours autant. Il avait pas l'air d'avoir trop changé sur ce point. Aydin se demande vaguement où il était passé pendant tout ce temps. C'était qu'il était parti sans rien dire, aussi. Même pas un au revoir. Il irait pas jusqu'à penser qu'il lui avait manqué et que ça l'avait un peu emmerdé, mais quand même. On prévenait quand on partait. Le jeune homme au teint basané ne connaissait pas d'autres Holders, il n'y avait que lui dans son entourage autrefois, et il adorait lui lancer des défis, que l'autre corbeau ignorait ou non. Bon, ses pouvoirs d'avant Ryûjin étaient bien plus faibles comparé à aujourd'hui, et il les maîtrisait relativement mieux. Fallait qu'il trouve le moyen de le tester, lui et ses pouvoirs de corbac. Mais ça, c'était sans compter le fait qu'il le regarde avec gêne et tourne soudainement les talons comme si de rien n'était, en mode "J'ai pas envie de te parler, fous moi la paix steuplé". Son sourire s'effaça. Ah, ça, Aydin avait pas apprécié. Un sourcil levé, il le laissa marcher quelques mètres, hésitant à le retenir.

Mais il finit par courir vers le gars aux cheveux sombres, le tira en arrière par le col, lui fit une prise et le fit tomber le cul par terre. Le jeune homme aux tâches de rousseur, accroupi au-dessus de lui, la main tenant son col, le jaugea avec un rictus sadique et passablement vexé. Il ouvrit la parole, menaçant.

-Hey, toi... C'est pas poli de tourner le dos à un ancien pote. Surtout que tu t'es barré en voyage sans rien dire.

Il serra un peu plus le col puis le lâcha, s'écarta et soupira, le laissant se relever à sa guise. Aydin était revenu à Kalel pour rassurer son père et rentrer au pays quelques semaines, marre de ce froid à Glaglabourg, pas pour se prendre la tête avec d'anciens potes d'enfance disparus. Bras croisés, il regarda l'autre se relever et continua sur sa lancée en lui lançant des regards chargés d'électricité. S'il continuait, il allait s'électrocuter, holder de l'eau qu'il était.

-J'veux pas te foutre la pression, mais je supporte pas quand quelqu'un disparaît soudainement de mon champ de vision. Rien que pour ça, tu mériterais de finir trempé jusqu'aux os. Et encore, j'suis d'humeur sympa aujourd'hui.

On disparaissait pas de son champ de vision comme ça. Personne n'avait le droit de faire ça. Surtout depuis la disparition de Neah, qui l'avait légèrement, mais très légèrement traumatisé. Elle supportait mal ce genre de choses, maintenant. Aydin soupira de nouveau, mains dans les poches, la mort dans l'âme, et alla s'asseoir de nouveau sur la fontaine -non sans oublier de forcer l'autre à la suivre en le chopant encore pas le col, et le forçant à s'asseoir lui aussi près de l'eau, il était capable de se barrer encore une fois lui- et jouer de nouveau avec l'eau. Pour l'instant, Aydin voulait plus de baston, mais l'envie devrait revenir bientôt. Il était plutôt dans l'optique de faire cracher le morceau à cette andouille qui lui servait de pote holder autrefois.

-Alors ? Tu d'viens quoi ? J'ai pas pensé une seule fois que t'étais mort. T'es trop flemmard pour crever, toi.

Comme elle était douce et gentille, une personne adorable, cette Aydin. S'enquérir de la vie d'un ami retrouvé, en le rassurant qu'elle n'avait pas pensé une seule fois qu'il était décédé. Ça, c'était de l'amitié pure. Et une façon tordue de le montrer.

Aydin afficha une expression un peu surprise. S'en prendre à lui physiquement ? Bah... Il l'avait peut-être foutu à terre il y avait quelques minutes, l'avait entraîné avec lui jusqu'à la fontaine, mais il l'avait pas agressé. Pour lui, c'était pas une agression. Enfin, la prise, oui. Puis y avait l'eau. Mais ça, c'était parce qu'il était nul en maîtrise de la magie, donc ce n'était pas intentionnel, le destin avait voulu que ce soit lui qui finisse un peu trempé. Ses paroles, peut-être ? Pourtant, il avait toujours été comme ça, et aucune de ses connaissances ne l'avait emmerdé. Ah, quoique... Peut-être qu'à Froënbourg, quand il avait rencontré... nan, nan, c'était pas possible, rien ne pouvait clocher dans son comportement, il agissait de manière tout à fait saine et normale... de son point de vue. Cogitant pas mal sur le sujet, Aydin ne répondit pas immédiatement à Crow, un peu perturbé. Mais il finit par abandonner très vite, las à l'idée de se remettre en question. Ca servait à rien de toute façon, il se considérait très bien comme il était. Il ne se rendait même pas compte de son comportement odieux et vaguement brutal.

Le jeune homme répondit enfin, faisant un geste nonchalant des bras, un peu blasé.

-Ok, ok... Pas ma faute si t'es une p'tite nature... Pacte de non agression physique accepté. Mais t'as pas intérêt de me planter là.

Pff... Il pourrait enfoncer son doigt dans sa joue que ce faible corbac l'aurait regardé d'un air encore plus blasé que le sien, chassant son bras avec ce visage inexpressif. Il avait toujours été un peu bizarre, Crow. Il avait jamais pu capter de vraies émotions chez lui, hormis ce petit rictus qu'il avait esquissé de temps à autres. A quelques exceptions près, peu de temps avant sa disparition soudaine, où il était totalement différent par moments, comme une poupée inerte prenant vie. Pourtant, Aydin s'était obstiné à le défier, traîner de temps à autres avec lui, autrefois. Il avait jamais su s'il appréciait sa présence ou non, mais en général, Aydin se préoccupait plus des gâteaux de sa grand-mère que de ce que Crow pensait de lui. Même si cela faisait au moins cinq ans qu'ils ne s'étaient pas croisés, Aydin, encore aujourd'hui, se fichait pas mal de ce qu'il pouvait penser d'elle. Comme avec tous le monde, en fait. Il avait pas retrouvé Neah, mais retrouver Crow était déjà une bonne chose.

Le crépuscule commençait à laisser place à la nuit. Le jeune homme aux yeux de chat avait hâte de pouvoir contempler les milles et une étoiles dans le ciel de Kalel. Elles étaient partout, certes, mais celles de Froënbourg, elles étaient différentes. Il ne saurait trop dire pourquoi. De la nostalgie ? Probablement. Dire qu'il allait devoir quitter ce pays agréablement chaud et chaleureux pour la froideur de la cité nordique... Aydin jeta un regard à son voisin et commença à discuter, pour lui poser des questions d'une voix calme.

-J'imagine que ça doit te faire bizarre que je te parle comme si t'étais pas parti. Ou te connaissant, tu t'en fous. Pas mal de trucs se sont passés dans ma vie pendant ce laps de temps, mais un ami d'enfance reste un ami d'enfance, j'm'en tape de comment il tourne. Raconte moi un peu ce que t'as fait, et c'que t'es devenu, comme promis.

Aydin lui adressa un sourire encourageant. Il regarda sans vraiment regarder les passants qui passaient, les enfants qui rentraient, frustrés de devoir respecter le couvre feu instauré par leurs parents. Qui avaient entièrement raison, cette ville se faisait de plus en plus dangereuse. Des morts, des guerres de gangs, et autres horreurs de ce genre commençaient à devenir salement quotidiens. Aydin écoutait ce qu'il avait à lui raconter, quand ses yeux dorés remarquèrent une sorte de bosse dans la poche de la veste de Crow. Curieuse et impulsive, elle la pointa du doigt, ne pouvant pas s'empêcher de poser la question, quitte à le couper dans ses explications.

-T'as quoi dans la poche ? J'peux voir ?

Le jeune homme au teint basané, plutôt content d'avoir la permission d'assouvir sa curiosité, fouilla la poche de la veste de son ami et s'installa de nouveau sur le bord de la fontaine en examinant ce qu'il avait dans les mains d'un oeil intrigué. Du Crimson et des médicaments, donc... En effet, ça en avait l'apparence. Le Crimson en comprimé ressemblait également à n'importe quel cacheton à prendre quand on avait de la fièvre, ou des symptômes de ce genre. Des symptômes... Le regard d'Aydin alla de Crow aux cachetons, des cachetons à Crow. Et là, il percuta. Attendez... Ces revirements de caractère qu'il avait de temps à autres... C'était pas à cause de ça ? Il venait de lui avouer qu'il se droguait, là, comme s'il venait de lui dire qu'il était allé acheter un tacos. Aydin avait jamais capté, il pensait juste que le psy lui avait été un peu bénéfique, ou qu'il lui était arrivé des trucs bien entre temps. Il avait jamais osé lui demander, plutôt content de le voir aussi actif et de bonne humeur. Il aurait peut-être dû, en fait. Mais le passé était le passé, et mieux vaut tard que jamais. Ça lui aura juste prit plus de 5 ans pour capter qu'un de ses potes d'enfance était en passe de devenir un drogué... ou l'était probablement déjà, quelque part. Bien joué, Aydin. Tu mériterais le titre de l'ami le plus futé et concerné du monde. Mais en même temps, il y connaissait pas grand chose à la drogue... Il avait bien fumé quelques trucs vite fait dans des soirées entre potes de Kalel de temps à autres, mais il était jamais allé jusqu'au Crimson. Il en avait juste entendu vaguement parler. Donc il y connaissait rien. De toute manière, il ne voyait pas souvent plus loin que le bout de son nez parsemé de tâches de rousseur.

L'androgyne resta silencieux quelques instants, observant les médocs ainsi que la drogue dans ses mains, puis en revint tout naturellement à leur conversation précédente comme si cette révélation n'avait aucune importance, ayant été surpris par quelques points, par le fait qu'il se soit intéressé à ce qu'il devenait, mais surtout par le fait qu'il avait fini par cracher le morceau au lieu de s'enfuir la tête entre les épaules pour mieux se faire rattraper parce qu'Aydin lâchait jamais le morceau, toujours déterminé à obtenir ce qu'il avait demandé. Sûrement le trait d'une fille de bourgeoise gâtée par son père. Elle aimait pas qu'on lui refuse les choses. Bon, il ne lui avait pas dit grand chose, mais de sa part, c'était un exploit qu'il prenne la peine d'aligner d'aussi longues phrases à la suite.

-Attends... Tu veux dire que t'étais à Froënbourg depuis tout ce temps ? J'y suis allé plusieurs fois et j't'ai jamais croisé... Et bordel, c'que j'ai arpenté les rues de cette foutue ville où on se les gèle !

Il ajouta calmement, avec un sourire dans la voix, puis une pointe de regret.

-Y a pas à dire, Kalel, c'est carrément mieux que cette ville glaciale... Je regrette un peu de devoir retourner là-bas...

Aydin ne savait pas elle-même ce qui la retenait de quitter Froënbourg définitivement. L'espoir de retrouver Neah là-bas, peut-être ? Maintenant qu'elle avait retrouvé une carte bancaire, fallait qu'elle se trouve enfin un job stable, son propre appartement, histoire d'arrêter d'emmerder Ahmad. Il devait en avoir marre de crécher sur son canapé chaque nuits depuis quelques semaines. Elle verrait là-bas. De toute manière, si elle se tirait, elle flippait à l'idée que ce timbré de dieu remette la main sur elle parce qu'elle avait fui son "marché", à savoir observer les mouvements des chasseurs pour le couvrir. Il en était capable, le fourbe, elle en était persuadée.

Le jeune homme aux milles tâches de rousseur quitta le bord de la fontaine d'un bond énergique, atterrit à côté de son ami d'enfance et, impulsif, se laissa tomber à côté de lui sur le dos, bras croisés derrière la tête. Deux abrutis observant les étoiles, couchés presque au milieu de la rue qui devenait peu à peu silencieuse, les derniers retardataires rentrant chez eux, paisibles ou stressés, peu importe. Si c'était pas étrange, comme comportement... Aydin, observant toujours les étoiles avec calme, parla cette fois de lui, plus docile en ce qui impliquait répondre à des questions.

-Moi, j'ai voyagé. Beaucoup voyagé. J'suis allé partout. Je comptais me rendre à la cité orientale, mais...

Il grimaça. Pas très envie de lui avouer qu'il avait fini à la rue, lui, le fils des Grimm, juste parce qu'il avait été assez stupide pour perdre sa carte de crédit, ainsi que son appartement avec parce qu'il ne savait pas se gérer correctement à 22 ans. A contrecœur, il continua.

-... Neah a disparu du jour au lendemain. Et j'ai eu... disons... quelques problèmes en chemin. Depuis, je vis de petits boulots à Froënbourg.

Bah, c'était pas comme si ça allait l'intéresser. C'était ça, qui était bien avec lui. Aucun risque de se prendre des questions embêtantes dans la tronche. Il chercherait pas plus loin, par simple flemme, ou juste parce qu'il s'en fichait. Pensif, Aydin chopa un comprimé de Crimson et le fit rouler entre ses longs doigts. Il demanda à Crow avec curiosité, mais également pour faire dévier la conversation sur un autre sujet... pas forcément plus joyeux ?

-Ça a quoi comme effet, le Crimson ? Mis à part te rendre plus expressif ?

Au lieu de lui expliquer immédiatement les effets, Crow lui fit carrément une démonstration. C'était pas plus mal, ceci dit, Aydin comprendrait mieux ainsi. Il l'observa d'un œil intéressé, comme s'il s'attendait à le voir bondir sur place et devenir hyper extraverti d'un coup. Comme s'il allait se mettre à danser soudainement. N'importe quoi. Bien sûr que ça n'allait pas agir immédiatement, il le savait, il était pas stupide. D'ailleurs, son ami avait marqué une sorte de pause, pour enfin... déballer des phrases encore plus longues que tout à l'heure. Jamais il avait autant entendu sa voix dans un laps de temps aussi long, même autrefois, quand il avait apparemment commencé à se droguer. Un sourcil arqué, Aydin sortit un autre cacheton, et joua toujours avec, clairement intrigué. Ce ptit truc pouvait donc rendre ses couleurs à un être terne, tel un coloriage attendant d'être coloré par des feutres ou des crayons ? Aydin croisa le regard de Crow. Ouais, un truc avait changé. Une sorte de lueur s'était allumée dans ses yeux verts. Il ne savait pas si c'était une bonne chose ou pas. Après tout, ça avait forcément des contrecoups ces trucs-là, non ? C'était artificiel. Des émotions artificielles ? Aydin ne saurait en juger.

L'androgyne continua de jouer avec le cacheton, pensif. Il haussa les épaules quand il lui dit d'oublier la tirade qu'il venait de prononcer, et d'essayer s'il voulait savoir ce que ça faisait. Mouais. Il n'était pas contre la drogue, mais c'était pas son truc. Même s'il lui avait sérieusement proposé, il n'était pas sûr d'accepter. Aydin, allongé sur le dos, ferma les yeux, se laissa aller dans l'atmosphère apaisante, et fit rouler le comprimé entre ses doigts par réflexe. Pour une fois, ce fut son ami qui brisa le silence, visiblement boosté par cette étrange drogue. Et la cerise sur le gâteau, voilà qu'il donnait son avis. Eh bah... Ce truc devait taper vraiment dans le ciboulot. Rentrer à Kalel ? C'était pas l'envie qui lui manquait, et il n'avait pas totalement tort. Mais il lui manquait des éléments dans le scénario qu'il ne pouvait pas prendre en compte puisqu'il ne les connaissait pas. Si c'était aussi simple que ça, il vivrait ici, ou serait en train d'explorer la Cité Orientale de fond en comble à l'heure actuelle. Sourcils froncés, Aydin répondit vaguement quelques mots, l'encourageant à continuer sur sa lancée.

-Continue, Captain Obvious...

Avoir l'avis d'une personne telle que lui pouvait se révéler intéressant. Habituellement, Aydin aurait écouté deux secondes et l'aurait envoyé bouler pour simple motif de désaccord. Ou pas pur esprit de contradiction. Mais cette situation était assez inédite, alors autant en profiter, puisqu'elle n'avait jamais vraiment capté ce qu'il se passait dans la caboche de ce type. Il l'écouta très attentivement, sans l'interrompre, et ne put s'empêcher de lâcher un rictus sarcastique. Là non plus, il n'avait pas tort. Mais elle refusait de le lui avouer, et pire, de se l'avouer, de l'entendre, de l'assimiler. Et voilà qu'il remuait ses anciennes émotions quant à l'aband... la disparition soudaine de Neah. Inquiétude, colère, doute, et d'autres émotions de ce genre... Aydin lui lança d'un ton peut-être plus sec qu'il ne l'avait souhaité.

-Qu'est-ce que t'en sais ? Puis t'es bien placé pour en parler, toi aussi, t'as claqué des doigts et t'as disparu comme par magie, hein.

Aydin rumina silencieusement, pour ensuite reprendre avec amertume.

-Et puis d'abord je fais pas que le chercher, je l'attends aussi. Je sais bien qu'il est pas forcément à Froënbourg, mais c'est là qu'il s'est volatilisé. Alors je veux attendre encore un peu, histoire de voir s'il réapparaît. De toute façon, j't'ai dit que j'avais pas le choix, que ce soit pour Neah ou non.

Pathétique. Voilà qu'il se remettait à déprimer. Un voyageur enchaîné. Voilà ce qu'il était. Qui avait des potes qui disparaissaient devant ses yeux. A croire qu'on le fuyait... Elle n'était pas si ignoble que ça, comme personne, non ? Ou elle était maudite. Ca ne pouvait être que ça. Le jeune homme au teint foncé se mit, cette fois, à jouer avec deux comprimés. Puis en eut marre de broyer du noir. Il goba les deux petits ronds blancs, sous les yeux de Crow. Rien à foutre. Si ça pouvait l'aider un peu, il ne cracherait pas dessus. Puis c'était de sa faute, aussi, il avait commencé à lui parler de ce sujet sensible. Les yeux fermés, il fit comme si la présence de Crow n'avait aucune importance, comme s'il était seul. Jusqu'à ce qu'il se redresse brusquement, le teint virant au pâle. Envie de vomir. Puis il sentait son esprit divaguer petit à petit sur n'importe quel sujet, sujets qui se mélangeaient sans aucune cohérence. Ses yeux, qui regardaient au loin. Aydin sentait l'envie de se marrer. Il savait même pas pourquoi. D'ailleurs, pourquoi devrait-il y avoir une raison ? Tout en souriant, il s'adressa à son ami, le teint pâle et l'air assez maladif.

-Hahaha... J'me sens pas très normal, là. Pas super bien... Mais j't'ai battu. J'en ai pris deux d'affilé...

Au diable les problèmes. Au diable Neah. Au diable Crow et son air blasé. Au diable Froënbourg. Au diable tous le reste.

sex & drugs & rock'n roll !

"Du bonheur à l’état pur, brut, natif, volcanique, quel pied ! C’était mieux que tout, mieux que la drogue, mieux que l’héro, mieux que la dope, coke, crack, fitj, joint, shit, shoot, snif, pét’, ganja, marie-jeanne, cannabis, beuh, péyotl, buvard, acide, LSD, extasy."

Il n'avait pas forcement tord, même si tu n'étais pas tout à fait net tu te disais qu'il avait probablement raison. Tu avais disparu, sans vraiment penser à ceux que tu laissais derrière toi, ça te ressemblait bien.
Mais pouvait on t'en vouloir ? Tu étais comme ça, tu avais toujours été comme ça, s'il s'attendait à plus de ta part alors peut-être se trompait il à ton sujet. Tu te disais même que tu ne pouvais pas brider tes instincts, ou du moins tu te cachais derrière ses excuses pour ne pas avoir à affronter la réalité, tu avais agi comme le dernier des salopards.

Tu soupires comme s'il exagérait, mais tu sais bien que celui qui n'avait pas donné signe de vie aux cours de ses 7 dernières années c'était toi. Tu reprends d'une voix calme.

Je suis la maintenant, je ne vais pas disparaître.

C'était faux et tu le savais, tu n'avais pas envie que ce soit faux, mais tu savais que demain serait un autre jour et que sans les effets du Crimson tu n'aurais ni l'énergie, ni l'envie d'entretenir une relation amicale quel qu'elle soit. Les seuls liens durable que tu étais capable de tisser ne dépendait pas de toi. Il avait toujours fallu que quelqu'un s'accroche à toi pour que tu t'en fasses un ami. Jusqu'à ce que tu disparaisses sans un mot.
Mais peu importe, tu écoutes Aydin plaider les raisons qui le poussent à rester à Froënbourg, réalisant par la même occasion à quel point la situation semble le toucher, il parait à bout, voir même un peu déprimé... Et tu l'envies pour ca, tu ne doutes pas que s'il pouvait lire dans tes pensées il t'aurait fracassé le crane contre le sol, mais tu ne connaissais rien de tout cela et tu te demandais parfois à quel point les choses seraient différente si tu ressentais ce genre d'émotion. Mais surtout tu te questionnes par rapport à ses derniers mots “Que ce soit pour Neah ou non”.
Tu avais donc tout faux ? S'il restait à Froënbourg ce n'était pas pour Neah ? Tu  aimerais n'en avoir rien à faire mais s'il y avait bien une chose qui pouvait capter ton attention, c'est que ce que tu ne comprenais pas et la tu étais servi, qu'elle autre raison pouvait pousser quelqu'un à rester dans un endroit qu'il n'apprécie pas ? Toutes les raisons qui te venaient à l'esprit semblaient impossibles ou trop farfelu.

Tu lui aurais bien demandé, mais tu n'étais probablement pas suffisamment raid pour ça, tu fouilles ta poche à la recherche du précieux… Mais rien, ton flacon n'y était pas, tu tournes ton regard vers Aydin juste à temps pour le voir gober deux de tes comprimés.

Tu ne devrais peut-être pas…

Tu lèves le bras comme pour l'arrêter, mais trop tard le mal est déjà fait. Sur le coup, tu te demandes ce qui lui a pris, mais tu sais très bien que tu n'y est pas pour rien, ta main vient masser ta nuque et tu ne peux pas détacher tes yeux de ton ami qui vient de prendre deux comprimés d'un seul coup, il les a confondus avec des dragibus ou quoi ? Tu fais un bon et affiche de la surprise quand il se redresse soudainement, lui qui avait le teint basané se retrouvait plus pâle que toi.

Oui, bien joué.

Un sourire nerveux étirait tes lèvres et tu en arrivais même à te demander s'il n'allait pas faire un malaise.

Il vaudrait mieux que je garde ça.

Tu pointes du doigt le flacon dans l'espoir qu'il te le rende sans se faire emporter dans un délire psychotique.

Et puis, s'il te le rend tu pourrais peut-être te mettre à son niveau, il plane déjà bien haut mais avec quelques comprimés de plus tu devrais bien réussir à t'envoler toi aussi, la soirée prend enfin un tournant qui te plaie.

Réalisation de Dim Gray Leisenback

HRP o/:

A peine le temps que les comprimés de Crimson fassent totalement effet qu'Aydin avait déjà les mains qui tremblaient et le regard soit fixe, soit actif. Il était entre un état de stase et d'hyperactivité, c'était assez étrange, comme sensation. Oui, il ne devrait peut-être pas, et il n'aurait pas dû, car maintenant, il était trop tard pour faire machine arrière. A moins de vomir le contenu de son estomac, mais de toute manière, ça avait déjà agi sur son pauvre cerveau en ébullition, et cette solution était... peu ragoûtante et ne donnait pas très envie à la jeune fille. Non mais, vous le voyez, vous, le fils/la fille Grimm, se faire vomir dans un coin de rue ? Non. Aydin avait une limite au crade et à l'irrespect, alors autant laisser ces petits comprimés agir tranquillement, et qui sait, ce serait peut-être amusant, comme expérience. C'était ce qu'Aydin se disait tout en jouant encore et toujours avec la fiole, la jetant et la rattrapant avec un sourire un peu niais et très détendu. Il ne fit même pas attention au sourire nerveux qu'avait esquissé son ami lorsqu'il l'avait félicité pour sa "victoire". Lui, il voyait que le fait qu'il avait gagné. Et il était content de lui.

Aydin avait très souvent gagné ses défis contre Crow, mais le problème, c'était qu'il n'avait jamais été satisfait. Pourquoi donc ? Parce qu'il était pas stupide. Il voyait bien que son ami s'en foutait de ses défaites comme de sa première sortie obligatoire au Musée de la Mythologie pendant leur scolarité. Mais ce n'était pas la seule raison de son insatisfaction. Aydin n'avait jamais réussi à le battre dans un duel de Holder. Si, un jour, il avait gagné. Mais il avait tout de suite compris que Crow avait fait ça juste pour qu'il lui foute la paix un bout de temps. Malheureusement pour lui, ça n'avait pas fonctionné, et Aydin lui en avait voulu pendant au moins un mois, et s'était vengé, blessé dans sa fierté par ce geste. Une idée vint à l'esprit embrouillé du jeune homme au teint foncé mais actuellement bien plus pâle que d'habitude. Il se leva d'un bond, chancela un peu et, ignorant son invitation à lui rendre le flacon, lui fit un sourire d'enfoiré en s'exclamant d'une voix pleine d'enthousiasme, tenant le précieux du bout des doigts, bien mis en évidence.

-Tu la veux ? Eh bah va falloir venir la chercher !

Il se mit à rire niaisement, soudainement euphorique, pas très stable sur ses pieds ainsi que dans sa tête, et continua sur sa lancée, son cerveau étant apparemment bien plus productif et plus emmerdeur lorsqu'il était sous l'effet de ces petites merveilles.

-J'te propose un deal -sans mauvais jeu de mot, haha- ! On s'fait un duel d'magie ! On fait ça en trois rounds. A chaque rounds, le gagnant reprend un cacheton. Celui qui remporte la victoire totale gardera le flacon. Le perdant se verra imposer un défi improbable par le gagnant. Oh, et j'oubliais. La terrain de combat se limite au souk.

Un peu chancelante, elle s'accroupit devant son ami encore allongé et agita le flacon sous son nez, pour bien le narguer.

-Alors ? C'est à toi de voir si tu veux récupérer ta came ou non ~

Elle referma sa main sur le flacon et s'éloigna de quelques pas, attendant sa réaction avec impatience. Ahah, ce qu'elle était machiavélique. Aydin s'adorait rien que pour ça. Il lui faudrait un prix pour la brillante tentative de manipulation qu'elle venait d'effectuer. Il l'aurait réclamé, si son existence n'était pas le fruit de son imagination et s'il n'avait pas l'esprit autant embrouillé. Puis Aydin, sous l'effet de la drogue, oublia de vérifier l'approbation de Crow par rapport au deal et... se barra en riant dans les souks maintenant peuplés de gens peu recommandables, ces gens de la nuit dont tous le monde parlait à voix basse mais ne fréquentaient pas par simple peur de se retrouver dans des affaires pas nets, pour se préserver du danger. Un peu plus loin, il grimpa habilement sur un toit et se cacha, en oubliant la dangerosité d'un tel acte, se sentant tout puissant. Dans son crâne, Aydin était persuadé qu'il l'aurait pas en face à face. Allez savoir pourquoi. Donc il restait là, allongé sur le toit, guettant la potentielle arrivée de Crow dans les parages, pour mieux le surprendre un peu plus tard. Dans tous les cas, le premier round venait de commencer. Du moins, pour Aydin.

HRP:

Le jour, les souks étaient peuplés de monde, habitués, touristes, locaux, vendeurs tentant de vendre leurs camelotes à grands cris, des cris d'animaux, d'enfants jouant à cache-cache entre les étalages et la foule. C'était une ambiance qui allait de pair avec la chaleur de cette cité s'étalant fièrement entre les dunes du vaste désert. Une ambiance chaleureuse, malgré la présence, souvent, de pickpockets et de mendiants faisant la manche, enroulés dans leurs fins foulards crasseux. Car la pauvreté, elle, elle existait partout, même dans une cité aussi vivante que Kalel. La nuit, c'était tout un autre monde. Un monde d'étoiles qui veillaient sur les oiseaux de nuits s'envolant dans les vastes rues, pavées ou non, mais toujours ensablées quoi qu'il arrive. Les balayeurs du matin n'avaient jamais eu, de toute manière, la prétention de pouvoir enlever intégralement toute cette poussière dorée qui s'accumulait parfois à cause du vent soufflant dans le désert, qui faisait voyager ces grains de sable pour les déposer dans les rues et sur les toits des maisons de Kalel. Dans ce monde nocturne, il y avait évidemment le côté ténébreux de toute ville humaine. Drogués, alcooliques, assassins, criminels, sortaient de leur cachette au détriment des policiers le jour. Il y avait, bien évidemment, des veilleurs de nuit circulant dans les rues, prêts à en découdre avec quiconque perturbait la quiétude de ces nombreuses rues étroites et ensablées.

Au bout de la rue qu'Aydin surveillait attentivement, à l'affût de la silhouette de son ami d'enfance, Crow, un faible rayon de lumière apparut, pour justement laisser place à deux de ces fameux veilleurs de nuit. Allongé sur le ventre et silencieux, un mince sourire aux lèvres, le jeune homme natif de Kalel, du haut de son toit, les regarda passer en jubilant un peu. Ah, ce que ça lui avait manqué, de défier les veilleurs, ou de s'infiltrer dans des coins interdits sans se faire choper par un des sbires de sécurité des rues. Il en circulait d'ailleurs bien plus que quand il avait quitté la ville il y avait quelques années de cela. Paraissait que le crime était en hausse. Mais Aydin s'en foutait, en fait. Il était pas d'humeur à réfléchir sur des trucs aussi sérieux. D'ailleurs, il y arrivait plus très bien. Les veilleurs continuèrent leur route sans le repérer, et plus ils avançaient, plus les paupières de la demoiselle se fermaient, le temps passant sans que rien ne puisse l'arrêter, l'autre corbac mettant surtout trop de temps à son goût. Il s'endormit sur ce toit contre toute attente. Il pouvait combattre Crow, l'autre dieu, le gérant d'un magasin, mais le sommeil était plus fort que lui.

Une pression sur son dos lui fit doucement ouvrir les yeux. Il grogna un peu, puis se redressa en baillant comme un loir, puis se frottant les yeux avec un visage aussi apathique que son ami qui se trouvait en face de lui et clamait sa victoire. Il se dit vaguement qu'un truc clochait dans ce qu'il disait mais n'alla pas plus loin dans sa réflexion. Les sourcils froncés, Aydin bailla de nouveau, et répondit, un peu suspicieux tout-de-même.

-... Kwaa ? On était pas à... ? Oh, puis merde, t'as p't'être raison...

Ce qui voulait dire qu'il avait encore perdu ? Bordel... Mais le pire, c'était qu'il n'avait même pas le courage de protester et resta un peu sagement là, assis en face de Crow, le regard un peu perdu et très endormi. Sans un mot, il se leva, inspecta le visage de son ami pour déceler du mensonge, puis, estimant qu'il avait la même tronche que d'habitude, lui balança sa fiole de crimson et descendit du toit sans l'attendre, ayant oublié qu'il devait subir le défi que le perdant se verrait imposer par le gagnant. Oubliant les propres règles de son propre jeu. Intentionnellement ou non, on ne savait pas trop, car la crimson y était sûrement pour beaucoup là-dedans, sa mémoire était devenu un gruyère total.

Baillant à s'en décrocher la mâchoire, Aydin n'attendit pas que Crow le suive, pariant qu'il s'en irait, maintenant qu'il avait récupéré sa came. C'était Crow, il ne restait jamais trop longtemps, préférant être seul plutôt que d'être mal accompagné. Il traînait ses pieds nus dans les restes de sable sur les pavés, jusqu'à ce que, à sa grande surprise, il entende le corbac le rejoindre calmement. Ben tiens. C'était nouveau, ça. Aydin aurait pu mettre ça sur le compte d'un changement de comportement, depuis le temps qu'ils ne s'étaient pas vu, mais il n'en était pas convaincu. Il aurait également pu penser qu'il avait quelque chose en tête, qu'il y avait anguille sous roche, mais là, on parlait bien de son ami d'enfance taciturne et jamais expressif pour un sous, celui à qui il faudrait brûler une main pour obtenir un semblant de crispation sur son visage. Ou un sourire. Mais s'il souriait quand on lui brûlait la main, ce n'était pas un psychologue qu'il lui fallait, mais bien un internement dans un asile psychiatrique, parce que ce serait bien glauque. Bref. Le jeune homme au teint basané se figea dès qu'il évoqua le défi. Il devint un bloc de glace lorsqu'il entendit sa proposition.

Il continua sa route sans rien dire, mains dans les poches, en espérant que ce mutisme l'inciterait à ne plus continuer sur sa lancée. Mais cette tentative se révéla être un échec cuisant, car la suite ne lui plut guère plus. Un sourire paumé sur le visage, Aydin, qui avait du mal à croire que cette idée venait de son ami, s'arrêta de nouveau et lui répondit, perdant ses mots ainsi que ses moyens.

-Attends... T'es... t'es vraiment sérieux là ?

Putain. Il pouvait décemment pas faire ça... mais ça avait l'air drôle aussi, haha... mais non ! Lui, il était pas au courant. S'il ressemblait trop à une nana, il aurait des doutes, non ? Puis il s'était jamais montré devant lui en mode "Setsulya". C'était... mort. Drôle, mais mort. Bordel... son cerveau était complètement embrouillé, il ne savait plus trop quoi penser, ses réflexions étaient totalement décousues, plus désordonnées que jamais.  L'autre lui tend son doigt pour sceller le défi. Perdue, Aydin le regarda fixement. S'il s'en sentait capable ? Honnêtement, il en doutait. Question de fierté, puis... garder le secret, quoi. Mais il avait perdu. Et Aydin n'était pas une personne fourbe, et tenait ses promesses, en général. Il leva les yeux et crut percevoir un très léger sourire sur le visage de ce traître. De son point de vue, un sourire d'enfoiré, qui lui donnait envie de l'attraper et de le foutre à terre en le secouant comme un pommier. De tous les défis qu'ils avaient pu se balancer, celui-ci était l'un des pires. Ce n'était pas qu'elle détestait se fringuer en fille... mais devant lui, ou toute autre personne le connaissant seulement en tant qu'homme, c'était hors de question. Même si c'était drôle. Néanmoins, c'était soit ça, soit briser sa parole. Aydin n'aimait pas les deux alternatives.

Et pourtant, le jeune homme aux innombrables tâches de rousseur fut contraint de faire son choix, abandonnant totalement son cerveau qui, actuellement, l'emmerdait plus qu'autre chose. Grimaçant, il tendit son doigt et exécuta le geste qu'ils avaient tant fait lorsqu'ils étaient gamins, puis balança en grommelant, se sentant pas très bien après ça.

-J'vais chercher des fringues. J'vais piquer ça à ma soeur.

Sa soeur jumelle inexistante, tss. Puisque c'était elle, à la base, lorsqu'elle se baladait en nana. Aydin, qui n'avait plus vraiment envie de se marrer, fit signe à Crow de se ramener avec lui. Elle rentra chez elle, laissant l'autre idiot devant l'entrée. Quand elle se retrouva dans son dressing, une idée brillante lui vint à l'esprit. Un sourire d'enfoiré sur les lèvres, Aydin se changea, portant une robe noire très simple ainsi que des chaussures à légers talons, et rejoignit son ami en bas... une deuxième robe et des chaussures en main. Appuyée contre l'encadrement de sa porte, elle agita le package devant Crow et s'expliqua tranquillement.

-Une condition: je le ferais seulement si toi aussi, tu relèves le défi. Celui qui aura le plus de numéros gagnera.

C'était sa vengeance. Aydin avait une fierté, et là il était allé trop loin dans ses manigances. Il avait juste oublié qu'en temps normal, le perdant n'avait rien à dire. De toute manière, il oubliait la moitié des choses, et faisait un peu n'importe quoi, ce soir.