Le portable - toujours en silencieux - se mit à vibrer dans la poche arrière de son pantalon, attirant son attention et sa curiosité. Sans tarder - de toute façon, elle ne faisait rien de spécial - elle retira l'objet de sa cachette pour découvrir le SMS qu'elle venait de recevoir, poussant d'abord un soupir en lisant l'expéditeur, puis un autre en réponse à la demande :

Pas de précisions davantage sur l'objet d'un tel entrain, mais l'auteure de ce message lui réservait toujours des surprises intéressantes, qui permettaient de ne pas s'ennuyer et de s'enliser dans la banalité du quotidien.

Ca c'est sûr, depuis leur rencontre, elle n'avait pas eu à s'ennuyer à chaque fois qu'elles se retrouvaient ensemble. Pour deux cousines, et encore on ignorait tout de leur véritable lien parental, mais le père de Noah était l'oncle de la mère de Noa, aussi, le lien était proche de celui de cousin. De toute façon, au vu de leur âge, elles étaient de la même génération. Mais c'étaient seulement des liens de sang.

Ce qui les rapprochaient davantage était finalement leur conditions semblables : demi-déesses toutes deux, ignorant un peu tout de leur parents, qui sont eux-mêmes du même panthéon divin... Leur rencontre avait vraiment été un pur hasard. Noah avait été l'indice numéro un pour trouver Hadès. La fille d'Athéna avait réussi à obtenir des informations sur elle mais elle avait vite compris que la cadette ne lui apprendrait rien sur son père, puisqu'elle ignorait carrément ses origines.

Au final, la fille des Enfers n'avait rien apporté de bien utile à l'enquête, mais la jeune femme guerrière s'était prise d'affection pour elle, contre toute attente, du fait qu'elles se ressemblaient tout en étant opposées. D'une certaine façon, elle l'enviait même, sa jeunesse, son ignorance, sa positivité...

Arrivant à proximité du mur de Breath, là où avait lieu le rendez-vous, elles se retrouvèrent là, et Noa, après avoir lancé un soupir, lui lança directement :

" Alors ? Qu'est-ce que tu voulais me montrer ? Tu sais que j'aime pas perdre mon temps, surtout qu'il n'y a rien au pied du mur. "

Elle n'avait pas non plus envie de jouer les baby-sitters. Aussi, elle l'observait avec un air curieux et réprobateur à la fois, en attendant ses explications.

Surprise par son geste, même si Noa aurait dû s'y attendre venant de sa vis-à-vis, elle se rattrapa en fléchissant une jambe en arrière pour mieux la réceptionner et surtout ne pas tomber en arrière dans l'élan. Elle resta de marbre, ne rendant pas l'embrassade et figea ses mains sur ses épaules pour l'écarter lentement, avec douceur, parce que même si elle n'aimait pas la proximité, elle était sa cousine tout de même, une personne qu'elle appréciait, de surcroit. Cependant, elle fit une grimace et répéta ses mots :

" ... P'tit bouchon... ? "

Ce n'était pas vraiment une question, mais elle n'aimait pas non plus tous les surnoms que Noah lui refourguait, car elle savait pertinemment que la jeune femme n'appréciait pas et tiquait à chaque fois. Mais ça devait être source d'amusement justement, aussi, elle ne s'en offusquait plus autant qu'avant et laissait couler, tout simplement.

Le regard se levant en haut du mur, pour jauger la hauteur, environ six ou huit mètres, difficile à dire, car les nuages sombres qui le surplombaient donnaient un effet d'être encore plus haut. C'était assez étrange l'effet de ce micro-climat, on avait le sentiment que de l'autre côté du mur, il y avait une tempête, de quoi faire reculer les plus braves et Noa en faisait partie, sur le coup, inquiète de devoir aller affronter, sans y être préparée, un ouragan dans un lieu inconnu où on racontait que des bêtes légendaires vivaient.

Et comme un perroquet, elle répétait, avec exclamation, cette fois, se demandant d'où lui venait cette idée saugrenue de faire d'elle une

" Petite délinquante ?! "

Noa resta coi devant cette idée, surtout que ça n'avait jamais fait partie de ses projets de devenir une quelconque délinquante, elle, fille de la déesse de la Sagesse... Et c'était le bouquet de la voir supplier de la sorte, avec ses yeux doux. Là, ça l'achevait dans ce qu'elle pensait et elle attrapa sa cadette par le col du dos pour l'attirer loin du mur en lui faisant la leçon.

" Allez, Princesse, on arrête ses caprices et la drogue et on retourne tranquillement chez soi. Non mais quelle idée t'est passé par la tête ?! T'es complètement barge... "

Non, mais, oui, elle l'était, complètement folle, c'était pour cela que les journées passées avec elle étaient si éprouvantes, et excitantes à la fois. Cependant, cette fois, c'était peut-être de trop, aussi, la fille de la Sagesse sortit ses commandements, avec l'air inquisitrice qui lui seyait.

" De toute façon, on a rien pour escalader. On a beau être ce qu'on est, on est pas non plus des déesses, faut pas pousser. J'ai pas envie de tester si on a gagné l'immortalité ou non avec tout ça. Ca te prend souvent ce genre d'idée ?! "

La blonde s'arrêtait et se mit face à elle pour la scruter, discuter pour savoir ce qu'il se passait dans sa tête d'immature, si elle ne se cherchait pas des raisons. Peut-être que l'idée lui était venue parce qu'elle essayait de fuir une situation qui ne lui plaisait pas ? Un peu comme une pulsion qui nous prend parce qu'on est contrarié et une fois qu'on a accompli cette envie, on se sent plus soulagé.

Pour la convaincre, il en faudrait peu, quand même, parce que c'est vrai que la curiosité, parfois, était plus forte que la raison... Et le besoin de se défouler aussi, après son rendez-vous avec son beau-père, Liam, elle en avait bien besoin... Un besoin imminent de lui désobéir en faisant une grosse bêtise...

Décidément, rien que l'idée de se retrouver pour l'éternité en compagnie d'autres demi-dieux aux Enfers, avec l'oncle, la tante et tout le bataclan du Panthéon terrestre ne l'enchantait pas des masses, alors, ça ne l'a convainc pas. Au contraire, elle tira une grimace presque dégoutée, avant de finir avec une moue blasée en parlant des éventuelles marmots qui pourraient venir la harceler pour avoir le récit de ses aventures. En matière d'aventures, la jeune demi-déesse avait déjà tout un recueil, inutile d'aller s'en créer d'autres par ce genre d'idées saugrenues tombées du ciel comme une merde de pigeon vous tombe sur l'épaule, nauséabonde et désagréable.

Pourtant, Noa se laisse amadouer, en acceptant d'un haussement d'épaule la barre de chocolat ainsi qu'une gorgée de la bouteille d'eau. On ne refuse pas une sucrerie, et ça adoucit les moeurs, sur ce point, Noah savait la faire chavirer par ce biais, c'était si bas comme coup...

Mais mieux encore... Un marché. Surprise, la blonde la scruta pour être sûre qu'elle ne rigolait pas, comme à son habitude, mais son habitude aussi était de proposer de tel plans. La jeune femme secoue la tête, peu enclin à la suivre dans son délire et ronchonne :

" Hors de question ! De toute façon, sans moi, tu peux pas y aller, il fau... !! "

Elle n'avait pas prévu ça, Noa, que sa cousine enverrait son sac d'un lancer de l'autre côté du mur, trouvant en même temps la solution pour la convaincre. Tu es complètement sur le cul qu'elle ait osé t'imposer son choix et lui en veut en râlant :

" Mais t'es complètement tarée ?! Maintenant il faut aller le chercher ! "

Et oui, pas le choix, et tu es obligée de l'accompagner, parce que seule, vous ne pourriez rien faire. Cependant, tu proposes un autre plan :

" On va faire autrement, je monte en premier, et je te récupère en haut. Je te préviens, par contre : on ne fait que l'aller-retour, on reste pas pour explorer ou autres fourberies ! J'ai pas forcément envie de rencontrer ton père de cette manière. "

Noa était plus grande et plus musclée que sa comparse, donc plus lourde, lui faire la courte échelle serait plus simple que de la hisser du haut du mur, c'était forcé. Et puis, la jeune chasseresse avait plus l'habitude de ce genre d'acrobaties, et du danger qui pouvait se cacher derrière ce mur. Aussi, sans lui laisser le choix, et parce que c'était sa part du contrat pour accepter le marché, elle prit appui sur les mains de sa cousine et s'élança en l'air pour attraper le haut du mur à l'aide de ses mains. Au bout d'une minute, elle réussit à se hisser, usant de ses abdominaux pour faire grimper le bas de son corps. Elle s'était d'ailleurs un peu niqué le bout des doigts, les ongles à essayer de rester accrochée mais tant pis.

Avant de faire grimper le reste, Noa jeta un coup d'oeil de l'autre côté du mur, en bas, pour être sûr de ne pas faire le voyage pour rien, d'ici qu'une créature ait embarqué le sac pour s'en faire un repas, elle ne serait pas partie à sa poursuite sans savoir de quoi il s'agissait. L'apercevant, elle en fut presque déçue, et se soustrait à aller le chercher avec Noah.

Elle tendit alors la main à sa compagne en murmurant :

" Bon allez, grouille ! Plus vite on y sera, et plus vite on rentrera ! "

Les deux filles se retrouvèrent perchées sur le mur avant de se laisser glisser de l'autre côté, retombant avec lourdeur sur le sol pour Noa, fléchissant les genoux pour amortir la chute, et portant la main sur le manche de son épée instinctivement. La jeune femme ne prêta pas attention à l'environnement, bien trop méfiante pour se laisser adoucir par des apparences. Car le milieu était sans conteste sauvage et donc hostile, il ne fallait pas se reposer sur ses lauriers et rester aux aguets. Elle cherche où le sac est tombée, et pensait être sûre qu'il était là, mais au milieu des fourrés, difficile de distinguer quoi que ce soit, à part les traces d'une bête. Une bête énorme qui apparut dans son champ de vision aux cris de sa cousine.

La blonde ouvrit des yeux de stupeur en voyant d'abord Noah partir en avant sans l'attendre en gueulant, mais revenir tout aussi vite en appelant à l'aide, la faisant réagir à dégainer son épée dans un bruit de ferraille. Elle fonce en avant la guerrière et se place entre la princesse et le monstre avec un cri de guerre. Elle a déjà fait face à des créatures dangereuses, entre les divinités ou les vampires, elle n'a pas froid aux yeux, même si habituellement elles sont bien moins impressionnantes.

Mais les plus grosses bêtes ne sont pas forcément les plus méchantes, elles sont simplement impressionnantes. Noa ne fléchit pas quand elle fonce droit sur elle, brandissant son épée entre elles deux, menaçante et se mit à hurler pour faire peur à la boule de poils géante. Cette dernière eut une hésitation et s'arrêta net à un mètre de la demi-déesse  qui pointa l'arme sur elle en hurlant toujours :

" RENDS LE SAC ! "

Etait-ce vraiment utile de lui parler alors qu'elle ne devait pas comprendre la langue ? Mais elle montra d'un regard le sac qui était toujours accroché à ses pattes griffues. Noa fut plus rapide que la réactivité du monstre et fonça dessus pour lui dérober en limitant les dégâts, mais le géant en fut effrayé et envoya un coup de patte dans l'air, frappant la jeune femme avant qu'elle n'eut atteint le sac. Et la bête décampa, tandis que Noa cria :

" Non ! NON ! REVIENS ! NOAH ! "

Elle rappela sa cousine et se releva en sentant les contusions et les bleus se former dans le bas de son dos et ses membres après avoir heurté le sol brutalement et commença à prendre en chasse la créature en jurant par tous les dieux, tandis qu'elle retrouvait sa complice :

" C'est pas vrai, on est maudite ! Dépêchons, il faut la retrouver avant que la nuit tombe ! En espérant qu'on tombe pas sur quelque chose de vraiment dangereux ! "

Elles s'entraident, elles se supportent, la blonde s'appuie sur la brune, sans trop en profiter, car elle ne veut pas se reposer sur les épaules frêles de sa cousine. Elle boîte, malgré le fait qu'elle aimerait marcher avec fierté, on sent que ses jambes la trahissent, montrant la douleur qui lui barre le bas du dos. Elle réprime même la grimace douloureuse sur son visage et se laisse aller en avant, avant de se remettre, respirer un bon coup, comme si un bol d'air allait soigner ses blessures, mais elle se redresse et fait mine de rien. Pourtant la cadette n'est pas dupe et la mène vers la sortie, alors que l'aînée veut continuer :

" Tu crois pas que je vais te laisser y aller seule ! Attends ! Lâche-moi ! "

Mais à peine l'avait-elle lâché que Noah l'abandonnait en s'éclipsant. La blessée resta plantée là, éberlué par sa rapidité, mais la douleur revient à la charge pour lui donner un coup bas qui la fit plier. Agenouillée, elle prit son temps pour récupérer un peu, soufflant et respirant profondément. Elle ferma les yeux et attendit un moment avant de se sentir prête à repartir à la recherche de sa cousine, avant qu'elle ne se jette à nouveau dans le pétrin.

La jeune femme se redressa enfin et partit à la recherche de celle qui l'avait laissé ici, se référant à son instinct de chasseresse avant tout, après tout, elle était douée pour chercher des divinités, pourquoi pas des demis ? Elle avançait en courant entre les feuillages sombres, sentant que la nuit approchait dangereusement, l'urgence dans le fond de son estomac de devoir retrouver sa complice saine et sauve. L'inquiétude faisait battre son coeur, mais en surface, elle rageait, pour se donner de la force :

" Raaaah, elle est cloche ou quoi ? J'peux pas me faire soigner à l'hôpital ! On aura tout vu, une demi-déesse à l'hosto, je crois rêver... Liam préférera me voir sur sa table, oui, et je me prendrais encore une de ces branchées... "

Elle se frotte la tête et ralentit un instant, désemparé, avant d'entendre une voix qu'elle reconnait, au loin, et elle se met direct à courir dans sa direction en appelant :

" Noah ! Noah ! Où es-tu ? Noah ! "

Elle court, se fait fouetter les jambes par les épines des feuillages, griffer son jean par les branches, manque de tomber sur les racines, mais son regard est tourné vers son objectif et rien ne l'empêchera de l'atteindre, tandis qu'elle sort son épée pour se frayer le passage en frappant ça-et-là pour passer.

Puis enfin, j'arrive sur elle, mais une autre ombre se penche au-dessus avec de la bave dégoulinante à ses côtés, prête à la dévorer. Cette créature-là, elle est pas aussi mignonne et presque innocente que la précédente, car elle veut clairement nous faire du mal. La guerrière tire sur le vêtement à hauteur d'épaule de la jeune fille en mettant en avant son arme pour les protéger en hurlant :

" NOAH ! FAIS ATTENTION ! "

Mais cette fois, Noa n'eut rien besoin de faire pour faire fuir le monstre, car ce fut Maïwenn qui arriva à tire d'aile, sentant sans doute sa maîtresse en danger et plantant ses rapaces dans les yeux jaunes de l'horreur, le faisant hurler de douleur et le faisant fuir par la même occasion.

La blonde, une fois saine et sauve, rangea son épée dans le fourreau et revint voir sa cousine qu'elle prit dans ses bras, mais ne ménagea pas ses paroles, bien que ses caresses dans ses cheveux allaient en contradiction :

" Idiote ! T'aurais pu te faire tuer ! On avait dit qu'on se séparait pas ! J'ai eu peur, moi ! "

Inquiète, Noa suit le mouvement de sa cousine, apercevant le soleil en train de décliner à l'horizon. Elle ne put qu'opiner du chef, trouvant que l'idée de sa vis-à-vis n'était pas la plus mauvaise qu'elle ait eu dans la journée, même si cela ne l'enchantait pas. Si elle avait été seule, elle aurait continué les recherches, même dans l'obscurité, ça ne l'effrayait pas, même en terrain inconnu, car elle avait ses dons qui l'aidaient à se repérer dans le noir et sa chouette pour la guider avec sa vue nyctalope. Quant à l'histoire de l'absence de lumière, ce n'était pas un problème selon la blondinette qui n'avait pas particulièrement peur du noir, en oubliant qu'elle était capable de produire elle-même une petite boule lumineuse et chaleureuse tant c'était naturel pour elle.

Elle hausse les épaules et la suit, en faisant attention de ne pas la lâcher cette fois, serrant sa main dans la sienne, à la recherche d'un abri pour la nuit. Chose qui fut découverte rapidement après avoir traversé la forêt pour tomber sur un pan de montagne qui offrait donc des cavernes en office. De quoi s'abriter pour la nuit. En revanche pour ce qui est du feu...

" Hum... On va éviter le feu, ça risque d'attirer les insectes et qui sait, peut-être plus gros et dangereux. Par contre, j'ai ça. "

Noa la suit dans la petite caverne et lui tend la mai après s'être assise face à elle, pour lui montrer sa petite boule lumineuse qui émerge de sa paume, répandant avec elle une douce chaleur qui les enveloppe. Elle sourit alors pour la première fois de la journée et soupire:

" Ca remplacera le feu, et ça ne risque pas de nous enfumer. Par contre, on devrait peut-être faire des quarts de surveillance ? Maïwenn peut guetter un moment, puis ensuite, on se relaie, qu'en dis-tu ? Comme ça, on peut se reposer un peu.  "

On ne sait jamais, si une bête survenait pour les attaquer, il fallait que l'une des trois donne l'alerte. Maïwenn avait des bons yeux dans la nuit et étant noctambule, elle pouvait rester éveillée un bon moment. La blonde adressa le message à la chouette, tandis qu'elle s'allongeait en déposant la main avec la boule entre les deux corps pour qu'elles puissent en profiter à valeur égale. Cependant, elle avait une dernière chose à prévenir :

" Quand ce sera à ton tour, tu ne joues pas les héroïnes et tu ne te sauves pas pour aller chercher ton sac seule. On reste ensemble, d'accord ? On sera plus fortes à deux. "

Elle lui caresse gentiment les cheveux avec un dernier sourire, avant de se détendre, fermer les yeux et finir par s'endormir jusqu'à ce que ce soit son tour de garde, après Maïwenn. Approximativement cinq heures de sommeil, ce qui était suffisant pour elle pour se réveiller en forme. Ou presque. Elle n'est pas du matin, la jeune femme, et quand elle se lève, la boule s'est éteinte, épuisée par l'absence de magie lorsqu'elle est tombée dans l'inconscience. Mais il ne faisait pas trop froid non plus. Aussi, dans le doute, elle se lève et dépose sa veste sur les épaules de sa cousine pour qu'elle dorme un peu plus confortablement que simplement sur la terre froide.

Elle s'installa contre la paroi rocheuse en baillant, et se mit à surveiller d'un oeil à peine éveillé, finissant par se rendormir, tant elle avait du mal.

La jeune femme émerge lentement de son sommeil, reprenant son souffle et ravalant la salive qui s'apprêtait à déborder de ses lèvres entrouverte pendant sa léthargie. Elle s'étire, tandis que son cerveau recentre les évènements de la veille et surtout ceux du matin qui font qu'elle se retrouve avec un mal de dos et des muscles raides, sans oublier les courbatures et quelques bosses et bleus qu'elle s'était fait la veille justement pendant le combat avec le monstre.

Soudain, elle se redresse, réalisant enfin leur situation, mais apercevant les fruits qui s'exposaient sous ses yeux, que lui avait mis la cousine sous le nez, d'un oeil abasourdi, alors qu'elle lui demandait de les analyser. La blondinette fronce les sourcils et commence à regarder un peu les baies ramassées, mais… elle n'était pas une experte de la nuit à la belle-étoile, et encore moins pour trouver de la nourriture en pleine nature inconnue. Non, Noa était une adepte du lit douillet, du bain bien chaud et de la restauration rapide, même si leur de ce genre d'expédition, elle rageait son petit confort pour le troquer contre une organisation qui lui en assurait un minimum.

Elle sortit de sa réflexion sur la question de l'absence de Maïwenn qu'elle remarqua enfin, et après un instant de latence, elle répondit sans plus être inquiète :

" Elle a dû rentrer pour dormir. Ne t'en fais pas pour elle, elle est plus douée que nous. "

De toute façon, s'il arrivait quoi que ce soit à sa chouette, elle le saurait, Noa, vu le lien qui les relie, elle n'en doutait pas. C'est clair qu'elle aurait pu être utile pour les aider à retrouver la créature voleuse de sac, mais Noa ne pouvait pas contrôler au doigt et à l'oeil un animal censé être sauvage. Maïwenn était déjà suffisamment docile pour se montrer conciliante et protectrice, mais il ne fallait pas abuser.

Après un long moment d'hésitation à regarder les différents fruits, elle abandonna les devinettes et les fausses apparences, en se levant et secouant son pantalon pour retirer la poussière qui le salissait.

" … Je ne suis pas une spécialiste. J'y connais rien en plantes, d'habitude, j'embarque toujours un sandwich ou des barres nutritionnelles. Mais là… J'ai rien prévu. On va éviter de s'empoisonner si possible. Retrouvons rapidement ton sac pour pouvoir se nourrir et rentrer. Mais en attendant, il va falloir faire avec. Ou plutôt, sans... "

Une grimace d'amertume se dessine sur ses lèvres et elle soupire en se grattant les cheveux et en baillant de nouveau.

" Bon… revenons à l'endroit de notre rencontre avec le voleur, on pourrait y retrouver ses traces et la retrouver. C'est notre seule piste. "

Il y avait aussi l'alternative d'abandonner le sac pour rentrer. Après tout, elles n'étaient pas sûres de le retrouver, même intact, alors pourquoi risquer sa vie ? Mais Noa n'était pas du genre à abandonner et elle était plus têtue qu'une mule.

Elle reprit alors la route, l'estomac dans les talons, mais sans se laisser perturbée par les caprices de son corps, après tout ce n'est pas la première fois qu'elle doit rester à jeun. Bien décidée à retrouver le sac de sa cousine, elle suit le chemin de la veille parmi les feuillages, avec un air plus léger que la veille, pour détendre sa partenaire.

" On va l'retrouver, ton sac. Hé ? T'as ton portable avec toi ? On devrait essayer de prendre une photo quand même de la bestiole, pour la montrer aux autres, parce que personne nous croira. "

Noa sourit et prend la main de la cadette pour ne pas la perdre et sentir sa chaleur, pour la rassurer aussi. On se sent moins seules, ainsi.

Dans leur démarche, elles semblent si simples, aventurières dans la forêt inconnue, mais confiantes et sans peur, elles avancent sans broncher, sans reculer un instant, sans crainte. Le doute aurait pu les habiter, elles n'auraient pas si bien marcher. Elles discutent du quotidien, elles parlent de ce qu'elles vont faire après, quand elles seront rentrées, comme si la victoire était déjà entre leurs mains. Elles auraient été humaines qu'elles n'auraient peut-être pas pu accomplir ce miracle.

C'est étrange de parler d'une vie quotidienne alors qu'à cette heure, en ces lieux, elle est si loin.

Jusqu'à ce que ça s'envenime, que le moral tombe au plus bas pour rappeler dans quelle détresse elles se trouvent. Face à son excès de colère, Noa est surprise par sa cousine. C'est si soudain qu'elle ne l'a pas vu venir, après tous les efforts qu'elles ont faits pour arriver jusqu'ici, ce n'était pas le moment de flancher. La blondinette fronce les sourcils, elle n'appréciait pas qu'on donne des ordres à sa chouette. Maïwenn n'appartenait à personne, elle était une amie, pas un animal de bât, elle acceptait de rendre des services mais n'obéissait à personne.

Elle lui rend son regard, froid et distant soudainement, instaurant une ambiance lourde pour toute réponse, et lui répond sur un ton en concordance :

" Hors de question. "

Et sans plus attendre, elle, elle continue sa route, peu enclin à céder aux caprices de l'enfant. Elle n'était pas là pour faire du baby-sitting, sans pour autant rappeler qu'en plus, si elles étaient là, c'était par la faute de Noah.

De toute façon, sa cousine est du genre à changer d'avis comme de chemise, aussi, il ne fallut guère plus de cinq minutes pour attendre l'opposé de ce qu'elle venait de faire, c'est-à-dire une conciliation. Noa poussa un soupir et murmura vaguement :

" Si tu veux "

Pour lui donner l'espoir de retrouver vite fait une vie normale. Et puis la chasseuse n'était pas sans le sou, économe comme elle l'était, elle pouvait bien offrir un restaurant à ses proches, pour récompenser le courage de sa cousine bien aimée. Après l'effort, le réconfort, comme on dit.

La traqueuse regarde en l'air, puis le sol, à la recherche d'indices qui pourraient les amener sur la piste de la voleuse, jusqu'à ce que sa comparse tombe sur une empreinte. Une empreinte énorme et qui ne passe pas inaperçu. Ca date de la veille, mais avec ça, il serait désormais plus facile de retrouver sa trace et Noa esquissa un sourire satisfait avec un regard brillant, celui des chasseurs qui acculent leur proie.

Le temps est désormais compté, en priant pour que la créature ait dormi cette nuit, plutôt que d'avoir parcouru des kilomètres pour qu'elles ne puissent pas la retrouver. Peut-être même que le sac était tombé en chemin, ce qui éviterait un affrontement direct avec le monstre, même si ça ne dérangeait pas Noa. La blonde suivait sans problème la brune à travers les buissons qui jonchaient le sol, renversés sous le passage du mastodon. C'était ainsi plus facile de la traquer. Elles couraient de plus en plus vite au fur et à mesure que les traces semblaient plus fraîches, jusqu'à tomber sur une surface large où l'herbe était couchée, pour ne pas dire écrasée. La jeune femme s'accroupit et observe, tâtant le terrain avec la main, l'air soucieux., renifle l'air comme un chien et s'arrête, laissant apparaître un sourire.

" Elle a dû dormir ici cette nuit. Et elle est repartie il n'y a pas si longtemps que ça... Elle ne doit plus être loin ! "

Et la course poursuite reprend, jusqu'à ce qu'elles la retrouvent, là, au milieu d'un champ d'épis d'un mètre de haut. Elle s'avance avec lenteur, comme blessée. Peut-être que le coup porté la veille l'avait bien touchée ? Noa en eut un pincement au coeur en voyant son regard effrayé, alors qu'elle avait repéré qu'elle était poursuivie. Mais la bête ne s'enfuit pas, elle fit face, en haussant les babines pour dévoiler la rangée de crocs. Un grondement s'éleva et Noa fit arrêter sa cousine, pour garder une distance de sécurité avec le fauve qui se montrait menaçant. Un coup d'oeil suffit à confirmer la présence du sac, en bien piètre état du coup, au niveau de ses griffes. Elle sortit alors son épée et menaça à son tour. Mais s'il y avait une autre solution que de faire couler du sang ici, ce serait bien.

Mais en voyant l'arme la créature fit volte-face et couina de peur pour fuir de nouveau. Noa cria alors :

" Elle s'échappe ! Rattrapons-la ! "

Encore courir. Encore. Noa commençait à en avoir assez et suggéra alors :

" Il faut trouver un plan pour l'acculer, la coincer. T'as pas une arme ou un pouvoir qui pourrait nous aider ? "