Exploit du jour, ou plutôt du mois, même, vu le temps que je n'y avais pas mis les pieds, à mon boulot... Mais bon, j'avais tout de même quelques raisons valables... La maladie, si on pouvait appeler ça ainsi, qui me rongeait à chaque fois que je refusais de me rassasier sur mon frère, attendant le dernier moment, juste avant que je ne perde le contrôle de la bête en moi. Et l'autre raison était cette chasseresse qui semblait avoir promis ma mort, mais elle avait bel et bien été soigné, quittant la clinique sans encombre, d'après le témoignage de Bert' J'avais donc décidé de faire un tour à l'hôpital, histoire de rappeler aux gens que j'étais toujours vivant et que ma loi était toujours active et devait être respectée. Certes, je n'étais pas non plus un tyran, mon cher paternel m'avait enseigné l'importance de ne pas se conduire en dictateur au soin d'une entreprise pour ne pas attirer le regard sur nos actes, notamment le business de poches de sang qui n'était pas non plus totalement légal pour certains points... Mais bref.

Méconnaissable dans ce costume formel, trop serré et mal à l'aise, je marchais pourtant d'un pas sûr dans les couloirs, pour rejoindre mon bureau et constater du nombre de paperasse qui avait pris du retard en mon absence. Heureusement que j'avais payé quelqu'un pour remplir l'administration générale, sinon je ne m'en sortirais pas. Mais ça, c'était la gestion de cet hôpital, un peu hors du commun, mais mon père avait tout mis en place de telle sorte qu'il fallait prévoir pour ces absences fréquentes dues à notre nature vampirique. Oui, car, oui, on avait beau me dire que j'étais un putain de flemmard, mais les chats ne font pas des chiens !

Mi-journée, je commençais enfin mon inspection général des locaux, pour voir si nous étions bien aux normes d'hygiène et de sécurité aussi bien des patients que du personnel médical. En compagnie de mes associés qui me vantaient le suivi des procédures et des conformités. Soit, tout semblait parfait et ils se passaient fort bien de mon absence, se confinant à la réglementation spéciale en vigueur dans notre clinique privée. Mais franchement, je commençais à être soûlé par ces gens hautain qui ne savait que baver sur mes chaussures pour obtenir une augmentation non méritée pour un travail de bureaucrates, alors que ceux qui se salissaient les mains ne se plaignaient pas des conditions de travail, de leurs horaires de folie, sans jamais rien demander. Je le savais, Bert faisait partie de ce personnel et jamais il ne se plaignait. Surtout qu'il le pourrait vu le privilège qu'il avait de vivre avec moi.

Au bout d'un moment, je trouvais une raison pour leur fausser compagnie, étouffant dans mon costard, pour prendre l'air, simplement, cinq minutes, ça me suffirait. J'avais carrément pris une porte de secours pour m'échapper un instant et passer à l'ombre des arbres et respirer l'air frais. Retirant ma cravate, je la laissais pendre sur mes épaules et déboutonnais le bouton du col en soupirant. Je restais là quelques temps, assis sur un banc, sans voir le temps qui filait, le yeux hagard, sans penser à quoi que ce soit.

Mais au bout d'un moment, il fallait bien que je retourne à mon poste, la journée n'était pas finie et j'avais encore des formulaires à remplir. Cependant, quelque chose d'inattendue se passa. Là, allongée au sol, dans un couloir fort peu fréquenté, bizarrement, en dehors de moi, il y avait quelqu'un. Qu'est ce qu'elle foutait là ? Oui, ça devait être une fille, vu les cheveux longs. Enfin, rapide déduction, mais je fus rapidement conforté, lorsque je retournais le corps avec mon pied, mains en poche pour savoir ce qu'il en était



bah non, hé, elle pouvait aller dormir ailleurs. Cependant, quand j'aperçus son visage suant étrangement, ce teint trop pâle pour être un simple sommeil, je me reculais d'un air méfiant et observa ce corps tremblant, semblant se battre contre un ennemi invisible ou trop minuscule. L'odeur du sang me prit au nez, et mon regard se fixa sur le doigt ensanglanté, dont la plaie était pratiquement sèche, et je compris rapidement ce qu'il se passait. Je passais la main dans ma chevelure d'un air désabusé et déclara :



Les plus belles plantes de ce monde, à mes yeux, car elles étaient une forme étrange de mon pouvoir de l'Ombre, qui pouvait se métamorphoser sous forme de cauchemars, hallucinations. D'après mon père, elles étaient les seuls spécimens restants en ce monde, conservées dans notre jardin comme la prunelle de nos yeux. La légende racontera que Mère avait été piqué par l'une d'elles alors qu'elle était à peine enceinte de moi. Mais bref, sans doute des conneries pour m'attendrir, ça ne prenait pas. Je respectais juste ces plantes, comme des petites sœurs, et de savoir qu'une humaine avait voulu les toucher, et qu'elle s'était faite piquer m'énervait. Car cela pouvait avoir pour conséquence la disparition de ses plantes si rares.

Grognant légèrement, je n'allais pas la laisser là, ce serait malvenu si elle venait à mourir, et forcément, j'étais le seul à posséder le don d'évacuer les cauchemars. Il fallait que ça tombe mon premier jour de travail... Ca donne envie. Je la pris dans mes bras, elle était légère comme une plume, mais vraiment amorphe, et je l'emmenais simplement dans une chambre qui me paraissait libre. De là, j'appelais une infirmière qui se chargerait de remplir le dossier de cette patiente, pendant que je m'appliquerais à la sortir de ce pétrin. Etonnant n'est-ce pas, ce revirement de caractère ? Ma foi, j'étais un autre homme sur mon travail, c'était tout, je ne me perdais pas de vue, et mon âme exécrable revenait aussi pour hanter mes employés. D'ailleurs, l'infirmière ne tarda pas et fouilla les vêtements de la fille pour obtenir son identité, tandis que je me préparais psychologiquement à appliquer les soins adéquates à son cas.

Je retirais ma veste pour la poser contre le dossier d'une chaise, remontais les manches de ma chemise et me passais les mains sous l'eau pour mettre mes cheveux en arrière, afin d'avoir une meilleure vue sans être gêné, et les passer une bonne fois pour toutes au savon. Je réclamais alors à ce que nous restions seuls, elle et moi, afin que je puisse me concentrer, car je n'expliquais pas en quoi consistait ces soins particuliers que j'appliquais, même si la magie était monnaie courante, je n'aimais pas que les gens sachent en quoi consistaient mes pouvoirs, question de stratégie.

Prenant une profonde inspiration, tandis que la porte se refermait sur l'infirmière, je retirais mon bandeau pour libérer mon œil invalide, comme si j'avais besoin de me libérer avant d'opérer. Je fermais alors les yeux et tendant les mains au-dessus du corps inerte, je me concentrais, aspirant les ombres qui l'envahissait peu à peu. C'était long et fastidieux, le poison avait eu le temps de pénétrer en profondeur, et le personnel n'avait rien fait pour lui venir en aide. C'était plutôt étonnant, à moins qu'elle n'ait vagabondé dans les couloirs, en attendant de se faire avoir par les cauchemars ? Enfin bon, je ne pensais pas à cela, ce n'était pas le moment, toutes mes pensées étaient dirigées vers elle. Je sentais ses cauchemars entrer dans mon cerveau, m'infligeant quelques blessures morales, une goutte de sueur glissa de mon front, montrant le manque de maîtrise de ce pouvoir et le traumatisme passé. J' « avalais » son ombre, lentement, jusqu'à ce qu'elle ouvre les yeux...

Essoufflé, je reprenais ma respiration, mais me laissa choir contre le dossier de ma chaise, sans mot dire.

Tête en arrière, je fermais les yeux en me frottant machinalement les paupières, comme si cela pouvait avoir un effet bénéfique si la céphalée sombre qui m'obscurcissait le cerveau, cette « Ombre » qui était une partie de mon pouvoir, et qui était aussi néfaste pour moi que pour mes victimes...

Il fut un temps où j'aimais m'en servir, à tort et à foison, sans doute, comme un joint, une drogue qu'on savait mauvaise pour nous, mais qui nous mettait dans une extase où on se sentait tout puissant. Mais j'ai effleuré le feu de trop près, et je me suis brûlé. J'aurais pu m'arrêter avant, vu les marques qui me restaient sur le corps, mais un Blackwood était un entêté, névrosé jusqu'à la moelle. Ca m'avait couté cher, un œil, mais ça m'avait ironiquement ouvert les yeux sur la dangerosité de ce don, aussi, je ne l'utilisais plus que rarement, ce qui avait un peu amoindri mes résistances sur ses effets nuisibles. Même si ce n'était guère conséquent, je ressentais une légère faiblesse qui me demandait une petite pause.

Et là... La victime se mit à parler après avoir ouvert les yeux... Mais c'est quoi cette gonzesse ?! Elle arrête pas de parler, ça me fout mal au crâne un peu plus, je crois que je regrette sur le coup de l'avoir sauvé. Mais on peut ressentir une certaine nervosité dans ses paroles, seulement, je m'en foutais, elle était un peu insupportable, elle était mieux à dormir... Je rouvris les yeux lentement pour l'observer, et peut-être enfin lui répondre, après qu'elle m'ait assailli de questions. Le fait que je restais ici relevait simplement du fait que je ne pouvais pas me lever tout de suite et puis je devais garder un œil sur elle, surtout qu'elle avait l'air d'être du genre à déambuler dans les couloirs l'air de rien... Elle va me foutre mon hôpital sens dessus dessous !



Bon, finalement, non, les réponses viendront après, elle me soule déjà. Je me frotte le front deux secondes et reprend une profonde inspiration, l'espace d'un instant de silence pour enfin lui rétorquer :



Je n'étais pas médecin, ni même infirmier, néanmoins, je connaissais les manipulations à pratiquer pour ce genre d'évènements. Que voulez-vous, comme c'était un cas particulier, je n'avais pas le choix, il n'y avait pas assez de personnel « magicien de l'ombre » dans mes services, ils avaient tendance à dériver vers le côté obscure de la Force. Mais pour cela, je devais attendre un peu de récupérer après cet exercice.

L'infirmière revint d'ailleurs pour déposer le formulaire et s'esquiva rapidement sous mon regard inquisiteur, mais avant qu'elle n'eut franchi la porte, je l'interpellais, elle en sursauta presque de frayeur et se retourna pour m'écouter, le visage pâle, de crainte que je ne lui fasse des misères, sans doute...



Pas d'utilisation de don pour cette dernière phase, juste une auscultation pure et simple, pour voir si elle m'avait plus de traces de ce poison. Tandis que l'infirmière partait en courant dans les couloirs, sachant que je n'étais pas réputé pour ma patience, je me levais et jeta un œil sur la patiente en lui demandant :



Tout semblait aller bien, vu comme elle parlait... Mais on était jamais à l'abri d'une rechute. Je devais avouer que sur le coup, je priais pour une rechute afin qu'elle se taise, mais bon... c'est l'hôpital qui se fout de la charité.

Je lui prends la main, pour observer la taille de la piqure qui était déjà cicatrisée, et semblait anodine à première vue, mais on pouvait voir un contour sombre sous la peau anormal, par rapport à une cicatrisation normale, qui semblait se répandre dans les vaisseaux sanguins, les rendant de ce fait visible sous la peau. Aussi, les douleurs qu'elle m'expliqua était des plus courantes, cependant, elle n'était pas encore tirée d'affaire, et je devais impérativement l'examiner avant de la laisser partir, pour éviter qu'elle nous claque entre les doigts à peine sorti d'ici... Ce serait stupide et irresponsable... J'aurais peut-être dû appeler Bertram, mais ça l'aurait pas fait que le grand directeur réclame son frère pour soigner un patient, bonjour la réputation. Et puis, je savais le faire...

Prenant son pouls avec mes doigts froids, je comptais les secondes dans ma tête, ainsi que les battements de son sang à travers son poignet, et constata qu'elle avait une légère baisse de tension, ce qui éviterait que le poison se répande trop rapidement dans tout son corps, pour ce qu'il restait, elle aurait moins de mal à l'évacuer, ainsi. Je ne pouvais cependant pas me fixer sur la gravité des symptômes, tant que je n'avais pas le matériel adéquat pour examiner. Mais l'infirmière ne tarda pas et poussa ma tablette jusqu'au lit, sur laquelle étaient exposés les outils indispensables d'un médecin, notamment un stéthoscope, des gants, une seringue, du coton et quelques produits désinfectants...

Sans lui expliquer quoi que ce soit, je lui tirais le bras vers moi, remontant sa manche jusqu'au milieu de l'avant bras, où je lui fis un garrot pour faire la prise de sang. Ce fut rapide, indolore je ne sais pas, mais efficace, et la seringue atterrit entre les mains de l'infirmière qui partit faire les examens de son côté. Une bonne chose de faite. Maintenant, il me fallait retirer l'infection qui se formait autour de la petite plaie. Pour cela, je retirais la petite croute sans ménagement, laissant le sang couler à sa guise sur la peau blanche, tandis que l'odeur fit revirer ma pupille au rouge sans que je ne puisse le contrôler, mais je devais rester serein et ne pas y penser. La situation devenait délicate et la vue de ce sang pourpre me faisait perdre lentement mes moyens, il fallait que je fasse vite. Aussi, reversant un peu d'alcool sur du coton, j'appuyais sur la plaie pour faire sortir le pus noir tant que je pouvais et éponger à l'aide du coton imbibant. Heureusement les vapeurs alcoolisées masquaient l'odeur du liquide vital ce qui me permettait de garder mon calme, mais je sentais néanmoins des gouttes perler sur mon front. Pour me distraire un peu, je me mis à lui parler :



Voilà, c'était fini de ce côté. J'essuyais avec ma manche la sueur de mon front et soupirais en laissant tomber le coton et le reste sur la tablette, tandis qu'une question me taraudait, alors que je lui appliquais le pansement, sur un ton réprobateur et un regard assassin en prime :

Son air innocent et naïf accentua mon exaspération, vis-à-vis de l’inconscience dont elle faisait preuve. Certes, elle n’était pas le première à se faire avoir, mais il ne fallait vraiment pas être futé pour plonger dans une serre où il n’y avait personne, avec des plantes étranges pour aller humer bêtement le parfum de fleurs inconnues… Au moins ça lui servira de leçon, mais de mon côté, ça me rajoutait du travail, sans que je n’y gagne grand chose, puisque la réputation de l’hôpital était en jeu à cause de ce genre de conneries. Je penserais bientôt à déplacer ces fleurs dans la serre de Terraria, ce sera sans doute mieux…

Me redressant, je soupirais et entrepris de ranger le matériel, tandis qu’elle me signala qu’elle souhaitait se reposer. Cela tombait bien, je ne comptais pas m’attarder ici, ce n’était pas mon job. Aussi je me détournais en embarquant la tablette et lui indiqua, en dernier recours :



Une bonne chose de faite. Il était temps pour moi de regagner mes quartiers. Je ne pense pas la revoir de sitôt, un médecin véritablement compétent la suivra pour la suite des examens, comme ils étaient davantage spécialiste en la matière. Je mettrais sur le coup un de ceux qui s’y connait un peu en matière de magie, il y en avait quelques uns tout de même, comme un mage de Lumière, ou même mon frangin, mais je n’aimais pas qu’il travaille sur les mêmes patients que moi…

Refermant la porte derrière moi pour la laisser en paix, je marchais dans les couloirs, un peu épuisé par l’effort. Mais je dormirais un peu dans mon bureau, au milieu des papiers, ça ne devrait déranger personne...