Une chanson douce et agréable se diffuse dans l’appartement. La mélodie tire les habitants, de cet endroit, d’un profond sommeil. La première personne vivant ici se nomme Wendy et ce n’est autre que ma petite sœur lycéenne. Elle est grognon, aujourd’hui, car elle me balance en hurlant, de sa chambre « Eteins ce satané réveil ! » et je la comprends bizarrement. La seconde et dernière personne à vivre ici est moi, moi qui enlève mon mignon masque de sommeil. Je me roule dans mes draps rose « cuisse de nymphe », ma couverture blanche, j’émet un grognement et balance un coussin blanc sur le dit satané réveil. Celui-ci s’écrase sur le sol et la musique s’éteint. Je ne peux m’empêcher de sourire tout en pensant qu’on est mieux sans bruit. Je continue de m’agiter sur mon lit, m’enroulant dans ma couverture. J’ai l’impression d’être un kebab. A cette pensée, mon estomac gargouille. Oh non … Un soupire s’échappe de ma bouche et je roule sur le côté. J’entends une porte qui s’ouvre et deux minutes plus tard, la chasse d’eau retentit. Je hausse les épaules, on est humain avant tout donc on fait pipi comme tout le monde. Tout ça pour dire que Wen’ est debout. Elle va surement me faire un petit déjeuner : elle est toujours plus mature que moi et c’est plus elle qui s’occupe de moi, que moi. Je fais une moue contrariée puis décide de me lever. Il va bien falloir que je mange.

Le déjeuner se fait en silence. Wendy est concentrée sur ses cours, qu’elle relit sans cesse. Elle tourne les pages, toutes les trente secondes en marmonnant des choses toutes à fait incompréhensibles. Moi, comme une idiote, je la regarde. Je me dis que je suis bien contente d’avoir passé cette étape horrible de ma vie. Je préfère mes cours de maintenant, au moins, je ne suis pas obligée d’y aller tout le temps : la plupart du travail se fait chez soi. Je finis d’engloutir mon pain perdu et mon jus d’orange, les céréales ayant disparu depuis un certain temps dans mon estomac. A la fin, je me lève et débarrasse la table, toujours sans un mot. Wendy serait capable de me remballer juste pour avoir parlé. Je fais la vaisselle tandis qu’elle se dirige vers la salle de bain. Je la regarde toujours autant, on dirait un zombie. « T’y vas en preum’s ? » je lui demande, doucement, et là, tu vois, elle lève ses yeux et me foudroie de son regard glacial. Je me ratatine sur place, j’aurais mieux fait de me taire. J’essuie nos bols et les range dans les placards, une corvée en moins à faire. Je vais dans le salon et j’allume notre vieux poste de musique que j’aime beaucoup. Un air rock retentit dans la pièce. Un sourire se dessine sur mes lèvres et je me mets à bouger en rythme sur la chanson, tout en faisant un petit ménage dans la pièce. J’aime les endroits propres et je ne peux sortir sans avoir fait la poussière et tout le tralala.

Une demi-heure plus tard, j’arrive à avoir la salle de bain. Wendy sort avec ses notes dans les mains. Je la regarde avec des yeux en soucoupe. Bon, c’est pas le moment de l’emmerder mais il faut que je lui dise … « W-Wen ? Je peux t’emprunter ton p’tit short en jean ? » lui dis-je. Sa tête se lève enfin de ses notes mais ses yeux sont suspicieux. Aïe. « Pourquoi ? Tu vas où, aujourd’hui ? » chuchote-t-elle. Je grimace sous sa question à sous entendu. Je vais me faire tuer si elle apprend que je pars autre part. Déjà que la dernière fois, elle m’a massacré, surtout quand elle a su les ennuis que j’avais eu et ce qu’ils avaient entrainé … Je triture mon pyjama. « Je dois faire des photos pour mon cours, je voulais me rendre à la cité orientale. C’est joli, là-bas. ». Ses frêles épaules se soulèvent et je prends ça pour un oui. Je soupire de soulagement. Bon, je n’ai plus de temps à perdre. Je rentre dans la salle de bain pour faire ma toilette et prendre une douche rapide. Aujourd’hui va être une grande journée.

Devant mon miroir, j’essaye différent t-shirt qui aille avec son short bleu marine destroy, taille haute bien sur. C’est que c’est pas bien facile, tout ça ! J’opte finalement pour un crop-top blanc, le blanc n’attire pas la chaleur après tout. Je brosse mes cheveux et les laisses retomber en une cascade ondulée dans mon dos. Je mets un collier qui vient reposer sur mon ventre, c’est un dreamcatcher. J’adore ça, ca ne peut que me porter chance ! Et j’en ai bien besoin dernièrement. Je prends mon crayon noir et en étale sur mes muqueuses. Je serais très simple aujourd’hui, comme les photos que je vais prendre aujourd’hui. J’attrape un vieux sac à dos où je fourre mon habituel attirail –pansements, barres de céréales, bouteille d’eau, mouchoirs. Tout ce qui peut servir quoi. Je le pose sur mon lit, le temps de mettre mes baskets  basses puis cherche mon appareil photo. Il est, comme à son habitude, posé sur mon bureau. Je m’en approche et l’attrape « Tu ne changes pas les vieilles habitudes, n’est-ce pas ? » et je rigole. Il est l’heure de partir, pas sans mon portable et mes écouteurs. Le temps d’y aller, je devrais m’occuper et rien de mieux que de la musique pour.

Le transport que je prends n’est pas rempli, ce qui est cool en soi. J’ai plaisir à écouter ma playlist car il n’y a aucun bruit autour. C’est tellement bien. Une belle heure de tranquillité plus tard, j’arrive enfin à destination : la cité orientale. Elle est tellement belle ! Je m’avance dans la faune locale et prends quelques clichés par-ci, par-là. J’entre dans la ville. Je suis perdue, je dois l’avouer. J’aurais du prendre un plan ou quelque chose dans le genre ! Une personne me bouscule et j’en profite pour lui parler « Quelle est le plus beau monument par ici ? ». « Vous êtes une étrangère ? Alors vous devez visiter le mont Yama et la résidence de l’empereur ! Elle se trouve là-bas ! » et elle me montre un palais, bien sûr. Je la remercie brièvement et j’avance là où l’on m’a conseillé d’aller. Je suis très résolue à aller voir ce monument. Je pourrais prendre de magnifiques clichés ! Une fois devant, j’entre. Oui, je fais comme chez moi. Ca ne change pas et ca ne changera jamais. Je fais une moue stupéfaite en voyant l’intérieur. C’est ma-gni-fi-que. Clic, clic, nouvelles photos pour le cours, mon professeur sera tellement content. Je continue mon avancée, toujours surprise devant la beauté de la résidence. Je débouche dans un jardin, j’en reste bouche-bée. Je suis à court de mot pour décrire l’endroit merveilleux où j’ai atterri. Je prends encore des négatifs puis je distingue des cheveux roux, qui détonnent trop avec l’endroit. « Hum, excuses moi, tu es rousse ?! C’est … inhabituel ! Très peu ordinaire. » et je la prends en photo à côté d’un bosquet de fleurs. « Je m’appelle Noah et je suis étrangère à cette ville. Où est-ce que je me trouve ? » je lui souris. Je veux paraître sympathique surtout après « l’agression » qu’elle vient de subir.

Je regarde cette rouquine qui ne sait pas vraiment où se mettre. Elle semble éblouie par le flash de mon appareil. Je fronce les sourcils. Elle est jolie mais si elle ne tient pas les lumières de mon superbe jouet de compétition, elle ne pourra pas être mon modèle. Dire qu’elle aurait pu m’amener à avoir une bonne note. Elle est originale dans ce décor oriental, pas du tout son style, si vous voulez mon avis mais c’est ça qui fait le charme de la scène. Puis c’est un rassemblement de couleur chaude avec des nuances froides, comme ses yeux par exemple. Je souris. Oui, c’est très original ! Il faut qu’elle tienne ce putain de flash ! En fin de compte, elle était peut être pas préparée à ce qu’on la prenne en photo. Les femmes ne sont pas toutes comme moi, c’est vrai. Elle esquisse un joli sourire et je hausse mon sourcil. J’ai l’impression de me tromper sur mon compte et le sien. « Bonjour, je m'appelle Erin. Vous vous trouvez dans les Jardins Impériaux. Ce pourrait être le lieu idéal pour vos photos. Si vous voulez, je peux vous guider vers les plus beaux parterres des Jardins. » oh quelle douce voix ! J’en suis presque jalouse. Tant que je lui sors mon sourire hypocrite, je plisse les yeux comme lors d’un vrai et cache ainsi mes prunelles. C’est trop visible dans mes yeux, quand je mens. Wendy les appelle même « les portes ouvertes ». Enfin bref. Mon modèle m’indique le chemin. Je me mets en marche.

Elle m’emmène je-ne-sais-où. Surement vers « les plus beaux parterres du jardin ». Bon, je l’avoue, c’est magnifique. J’en suis trop stupéfaite ! Mes yeux dérivent de fleurs en fleurs et je n’arrive plus à fermer ma bouche. Je tente de retenir ma salive durant le trajet, j’aurais l’air d’une débile complète. Je prends en photo la demoiselle de dos. Elle aussi semble perdue dans la contemplation des petits bougeons. Je voix très bien qu’elle connait bien l’endroit et vu les gants qu’elle portait, elle doit y travailler. Je murmure un « C’est idyllique … » dans un souffle. Je l’arrête, la prends par la main, et l’entraine vers un bosquet aux fleurs blanches. « Qu’est-ce ? » souris-je. Je la force à prendre la pose à côté de la plante et la mitraille de clichés. Elle ne fait pas naturelle sur mes photos, quel dommage. Elle a l’air tellement crispé. Je la fixe intensément, réfléchissant à une solution qui la détendrait. Je plisse les yeux, redoublant d’effort dans ma recherche et agrippant mon appareil d’une main. Je secoue ma tête et soupire « Je sais vraiment pas … » plus pour moi-même, qu’elle. Puis une idée me vient. Je m’approche d’elle, excitée par mon intelligence spontanée « Si j’ai bien compris, tu t’appelles Erin et tu travailles ici ! ». Je rigole légèrement, en pressant mes doigts libres contre ma bouche « Tu connais donc l’endroit, n’est-ce pas ? Plus que tu ne le montres, je pense ! ». Je mordille ma lèvre et lui attrape une main « La jardinerie est ta passion ? » puis je m’élance dans le jardin, tenant toujours la jeune femme.

Je m’arrête un moment, à bout de souffle. Mon cœur bat à tout rompre dans ma cage thoracique, si c’est bien là qu’il se trouve. Je ne sais pas, j’ai toujours été nulle en géographie ! Je lâche Erin et m’étire. Bon, nous sommes actuellement dans le jardin mais je ne me doute pas d’où nous sommes. Elle semble le savoir, en même temps c’est son métier. Puis si elle ne le sait pas, c’est pas grave. Ca peut permettre une nouvelle découverte de ce somptueux décor. « Tu sais, je pense que tu serais un très bon modèle mais tu n’es pas naturelle sur les clichés. Est-ce que tu te prends en photo, parfois ? Toi toute seule ou … avec tes amies ? ». Je sais très bien que c’est déplacé de poser des questions personnelles. Mais je veux comprendre ce qui se trame dans sa tête et qui la crispe sur les photos. C’est inconscient de sa part mais ça ressort clairement. Je me gratte la gorge et tousse. L’effort m’a épuisée. Je sors une bouteille d’eau que je m’empresse de vider, à moitié. Je la tends ensuite vers la rouquine « T’en veux ? ». Je suis quelqu’un qui aime prendre soin des autres, je suis pas égoïste. Bon un peu, parfois, mais pas tout le temps. Puis je l’entraîne dans une aventure qu’elle ne devrait pas vivre, alors autant s’en occuper correctement : je ne souhaite pas de mauvaises relations avec mon modèle.