A son âge, sûrement ne devrait-elle pas être ainsi encore attachée à ses parents. A moins que ce ne soit pas la réelle raison qui l'ait poussée à les suivre ici. Enfin, il était indéniable qu'Aimée adorait ses géniteurs, et surtout, leur était infiniment reconnaissante. Même si au fond, la couver et la surprotéger n'avait peut-être pas été la meilleure chose à faire. Sauf qu'à présent tout ça c'était du passé, et que le ressasser n'y changerait rien.

Ainsi, ils avaient quitté la neige de Froënbourg pour rejoindre une ville au climat quelque peu différent. Marina. Oh, ce n'était en général pas vraiment le genre d'endroit qui plaisait à la demoiselle; trop chaud à son goût. Et au final, ce n'était pas tant pour prendre des vacances avec sa famille qu'elle était venue, mais plutôt par pure curiosité. Après tout, c'était l'occasion d'alimenter plus encore sa passion pour l'architecture. D'autant plus que la cité aquatique abritait quelque chose d'aussi fascinant que merveilleux à ses yeux, grande rêveuse qu’elle était : la ville sous-marine. Jusque alors, elle n’avait jamais eu l’occasion de pouvoir la visiter à sa guise, alors autant dire qu’aujourd’hui, elle profiterait autant que possible. Surtout si pour une fois, elle n’avait pas ses parents sur le dos, toujours aussi inquiets et soucieux de son état, alors que maintes fois déjà elle leur avait rappelé qu’elle n’était plus une enfant, et s’avérait tout à fait capable de prendre soin d’elle-même. Ah, les parents. Toujours trop inquiets.

Autant dire qu’il ne lui avait pas fallu très longtemps pour s’éclipser, toute impatiente déjà. Ah oui, la perspective de la découverte faisait d’elle une vraie gamine, excitée comme une puce, mais aussi quelque peu tête en l’air. Au point d’en oublier son sac, c’était dire ! Enfin, cela n’avait pas d’importance. Tout ce qui comptait, c’était de pouvoir découvrir cette petite merveille sous l’eau, de quoi alimenter plus encore ses divagations songeuses. Ah ça pour sûr, la magicienne avait un peu trop d’imagination. Du moins, c’était ce qu’on lui répétait bien souvent, elle qui encore à son âge rêvait de prince charmant et de beau château. Oh, ça avait son charme, en un sens, même si la plupart des gens ne voyaient là qu’une pauvre fille naïve et désillusionnée, incapable de grandir. Et ils n’avaient pas entièrement tort, quoi que la vérité n’était pas là non plus. Puis, rêver ne faisait de mal à personne, non ?

Comme attendu, cette ville avait quelque chose de fantastique, mais aussi inquiétant. Car oui, se trouver sous une telle masse d’eau avait quelque chose de presque étouffant, si différent de sa région natale, son lac gelé et ses montagnes. Cela pourtant ne l’empêchait pas de s’émerveiller à chaque pas, le regard vagabond et brillant de curiosité. Suffisamment pour qu’elle finisse par bousculer quelqu’un. Avant de platement s’excuser, toute embarrassée comme à son habitude. Parce qu’au fond, ça n’était pas si compliqué de la déstabiliser, Aimée. En général, il suffisait de la surprendre, ou de la pousser à faire quelque chose d’un peu idiot. Et pour une jeune femme habituée à toujours bien agir, eh bien. C’était troublant.

Au détour d’une ruelle, menée par ses pas sans but, elle n’avait pas pu manquer cette silhouette qui lui rappelait quelqu’un. Et il suffit d’un léger pincement au creux de sa poitrine pour comprendre de qui il s’agissait. Oui, ce pincement qu’elle ressentait quand un garçon lui plaisait un peu trop, et qui toujours la mettait en colère contre elle-même, réalisant qu’elle avait beau faire des efforts, elle se laissait toujours séduire trop facilement. Quelle idiote elle faisait, parfois.
Malgré cela pourtant, elle se rapprocha, un petit sourire ravi collé aux lèvres. Parce que mine de rien, elle l’aimait bien, Aäron –car elle était certaine qu’il s’agissait de lui.

« Hm… Aäron ? » Sa voix s’était faite un poil hésitante, alors que déjà, ses doigts maltraitaient les quelques mèches blondes et rosées qui retombaient sur son épaule. Comme à chaque fois qu’elle ne se sentait pas sûre d’elle. Trop souvent, à vrai dire. « C’est toi ? » Si ça n’était pas le cas, elle se sentirait vraiment très nulle. Et déçue, pour le coup.

Et au final, elle avait l’air aussi idiote que presque adorable, ainsi plantée derrière ce garçon, ses mirettes grises visiblement troublées. Définitivement, elle n’était pas douée avec les gens, hein.

L’hésitation et l’incertitude bien vite s’effacèrent lorsque le jeune homme se retourna. Oh oui, c’était bien Aäron, impossible d’en douter encore. De quoi bien vite soulager son cœur de cette pointe de souci qui s’y était glissé, face à la crainte de passer pour une idiote, elle qui avait si peu de confiance en elle-même, et si peu de considération. Oh oui, Aimée était telle une statue de glace friable, susceptible de se briser au moindre choc. Fragile petite créature qui souhaiterait que ses rêves deviennent réalité.
Bien vite cependant, une toute autre émotion vint s’emparer d’elle, soudaine et déroutante. Se retrouver ainsi dans ses bras –si proche !- et ce même pour une fraction de secondes, le temps d’un battement de cœur et d’un soupir, c’était embarrassant. Et inhabituel. Parce qu’elle n’avait guère l’habitude de telles démonstrations d’affection à son égard, absolument pas. Pourtant, l’inhabituel n’était pas désagréable pour autant, et la demoiselle se surprit même à apprécier l’étreinte, aussi brève fut-elle. Une pensée qui réchauffa quelque peu son cœur, avant que le contact ne s’évapore, tandis que la rougeur fugace de ses joues, elle, perdurait encore.

Il avait l’air plutôt ravi de la voir là, et c’était à vrai dire surprenant. Touchant également, et ne pouvant que lui faire plaisir. Et cette couleur qu’arborait ses joues pâles n’était pas seulement causées par l’étreinte inattendue, surement pas. Car autant le dire, et la blonde n’était pas bien habile quand il s’agissait de dissimuler ses émotions et sentiments, mademoiselle était tombée sous le charme de ce plaisant garçon qu’était Aäron. Oui, c’était aussi bête que cela, et nullement surprenant venant d’elle. Aimée qui trop facilement s’entichait de quelqu’un; Aimée qui trop souvent se berçait d’illusions. Et c’était bien triste, car même en tentant de mettre de la distance entre elle et autrui, d’agir avec une froideur dissimulant en réalité un profond inconfort, il lui arrivait encore d’être trahie par son cœur en mal d’amour. Et c’était sur lui qu’il avait jeté son dévolu.

Sentir ainsi son regard la dévisager avait quelque chose de profondément gênant, sans qu’elle soit cependant capable de le dire. Tout juste se contenta-t-elle de détourner le regard, enroulant encore quelques mèches roses et blondes autour de son index, fébrile. Jusqu’à ce qu’il ne parle, du moins. Là, il ne fallut pas bien longtemps pour qu’elle le regarde à nouveau, surprise par la question. Et il n’avait pas tort. La voir loin de sa ville natale était un évènement on ne peut plus exceptionnel et fortement inattendu.

Cela dit, il ne lui laissa nullement le temps de répondre. Au lieu de cela, il lui glissa quelques mots. Juste quelques paroles qui ne purent que raviver la couleur de ses joues, à nouveau. Ce n’était rien pourtant, juste un compliment à peine dissimulé, et pourtant. C’était suffisant pour elle, petite princesse rêveuse et maladroite. Et cela n’arrangeait en rien le trouble qui agitait ses sentiments, pour sûr.

Et il lui fallait répondre. La jeune femme ne pouvait décemment pas rester ainsi silencieuse. Alors qu’elle finit par lui répondre. Ou plutôt, bafouilla quelques paroles, avant de laisser échapper un soupire et détourner le regard, profondément gênée. Pour finalement prendre son courage à deux mains et afficher un adorable sourire, malgré son embarras.

« Tu trouves, vraiment ? Merci. » Et la voilà qui se mordilla la lèvre, souriant toujours. « Mes parents ont voulu venir ici pour prendre un peu de bon temps. Et je les ai suivis. Je me suis dit que quitter un peu la maison pourrait être une bonne chose. » Quoi qu’elle n’avait pas pensé au fait qu’il risquait de faire trop chaud pour elle. D’où sa présence ici.

Quelques instants de silence par la suite, avant qu’elle ne fasse quelques pas, l’invitant à marcher auprès d’elle, au lieu de rester bêtement plantés dans la rue. L’endroit était tranquille, et fortement agréable, surtout pour elle. Et toujours, cette étrange atmosphère presque féérique, étrange du lieu.

« Et toi ? Tu viens souvent ici ? » La voilà qui se montrait curieuse, tout à coup. Avant d’ajouter, ses doigts revenant s’emmêler dans les mèches folles de sa crinière : « Ca me fait plaisir de te voir ici, tu sais. Je commençais à me sentir un peu seule. » Comme trop souvent, et par sa faute la plupart du temps. Et oui, la demoiselle était franchement ravie de le voir là. Et pas juste parce qu’elle se sentait seule, pour sûr. Mais ça, elle ne risquait pas de le lui avouer. Même si la voir rougir ainsi, et sourire bêtement pouvait laisser supposer bien des choses.