Comment expliquer mon impulsion parfois à utiliser mes pouvoirs sans aucun but a priori, à part tromper les yeux de mon monde, ignorant l'étendue de mes dons ? Je le cachais généralement, les utilisant qu'en cas de dernier recours et ce soir-là, c'en était un. Il existait un lieu ici-bas, un lieu où la science, l'Histoire et tous les mystères de ce monde y étaient réunis, sans se douter de l'étendue d'un tel savoir, un savoir à la fois universel et unique, répertorié de sorte que l'on oublie pas nos ancêtres. C'était précisément le genre de lieu que je fuyais comme la peste, désintéressé en temps normal par tout ce qui pouvait toucher un passé douteux, effrayant, de crainte de savoir des choses que je ne devrais pas. Et en même temps, on ne pouvait se fier aux élucubrations d'êtres douteux datant d'autres âges, proférant des paroles et des écrits issus d'hallucinations parfois, telles les bibles ou autres bouquins inspirant je-ne-sais-quel secte ou religion à bases obscures. Brrrr, rien que de voir la stupidité humaine sur ce plan me faisait froid dans le dos. Je partais du principe « je ne crois que ce que je vois ».

Pourquoi agir de nuit ? Question stupide, voyons, j'étais un vampire, je ne faillais pas à cette réputation qui me collait à la peau, en plus de mon physique peu enclin à être favorable aux yeux des diurnes. J'avais une tête louches, de ces types des bas-fonds qui vagabondaient justement la nuit pour passer inaperçu afin de ne pas faire tâche au milieu de ces gens de bonnes fortunes. Nous étions la racaille, ce qui devait être débarrassé du monde  de la lumière, nous étions l'ombre, sans qui la terre ne tournerait pas rond, il fallait l'admettre. Tout comme mon frère était la Lumière, j'étais l'Ombre, l'un sans l'autre, ce n'était plus pareil, le monde s'écroulait. Et puis... La nuit tous les chats sont gris...

En pleine forme, je pouvais utiliser mes dons comme je le voulais, tant que je pouvais reprendre mon souffle. Et ce soir, il était temps, j'en avais besoin pour aller fouiner dans les archives de la bibliothèque. Je n'étais pas du genre à y entrer de façon légale, ce serait encore plus suspect, vous imaginez ? Non, il fallait que je fasse ça dans l'obscurité, surtout que certaines archives étaient conservées dans les tréfonds du bâtiment sous grande surveillance. Je ne connaissais pas les dispositifs de sécurité d'une telle bâtisse, mais ils devaient à peu près correspondre à ceux de l'hôpital. Peu importe, ce serait inefficace face à ma métamorphose, n'est-ce pas ?

A proximité du bâtiment, je me collais à un mur, en attendant la fermeture, le départ de tous les employés. Mais une dernière personne tarda, jusqu'à ce que la nuit tombe et même plus tard, au point que je somnolais lentement, me laissant glisser pour me recroqueviller dans mon coin, à l'abri de la vue des gens. Ce fut le miaulement des chats gardiens de la bibliothèque qui me sortir de mes pensées, m'indiquant qu'il était temps.

Et la métamorphose s'opéra, mon corps rapetissa en même temps que des poils noirs et soyeux poussaient de part et d'autre formant une fourrure protectrice. Ma colonne vertébrale s'allongea pour laisser pousser un appendice caractéristique remuant nerveusement, et les vêtements me recouvrèrent entièrement, jusqu'à ce que la petite boule de poils que j'étais devenu sorte de ce fatras de tissus. D'un mouvement rapide je détalais de ma planque pour prendre une nouvelle position et me séparer de ce qui aurait pu dévoiler mon don. Seulement, je croisais rapidement la dernière occupante et ressentit un frisson inexplicable dans tout mon corps félin. Etrange sensation et incompréhensible, l'instinct animal me poussai à connaître cette femme, ressentir quelque chose que je ne connaissais en tant que... vampire on va dire, la fidélité à une maîtresse, la proximité, le besoin de caresses. Non, je m'esquivais avant de me faire prendre.

Qui était cette personne qui me mettait dans des états étranges ? Je la vois partir, suivie par une horde de chats. La curiosité envers cette personne me pousse à oublier la mission que je m'étais fixée et je la suis, mais de plus loin, dérangé à l'idée de me mêler aux autres bestiaux. Car moi, je n'étais pas qu'un simple chat, je valais bien mieux, et pourtant... je me laissais emporter comme un homme par la séduction d'une femme ensorceleuse. Et elle s'arrêta pour s'asseoir. De là, je pouvais l'observer, sans pouvoir détacher mon regard, posté sur une branche non loin. J'en oubliais le temps qui passait et qui était compté pour ma métamorphose qui n'était pas éternel mais en fonction de ma vitalité. Pour l'instant je n'avais pas de quoi m'inquiéter, mais, cette situation restait dangereuse.

Et puis tous ces félins qui faisaient leur arrogants à lui tourner autour m'énervaient ! Je descendis de ma branche et la queue levée, je me dirigeai à pas feutrés, les effrayants de mon regard comme si un humain hostile s'approchait et ils le savaient, ce n'était pas bon pour eux de rester à proximité. Je la fixe de mon regard sombre, vert pour une chat noir, l'invalide restant éternellement bleu livide, mais la regardant aussi, d'un air étrange, effrayant. Non je n'étais pas un de ces félins, je n'avais peur de rien. Cependant, malgré la curiosité maladive, je m'arrêtais à une cinquantaine de centimètres d'elle, peut-être par méfiance et détourna le regard d'un air totalement arrogant, comme pour lui répondre :

*Bien sûr que non ! Je ne suis pas un de ces félins !*

Qu'elle me comprenne en serait surprenant. Je me demandais qui elle était pour attirer ainsi les félins. Mon regard sournois se tourna de nouveau vers elle pour la sonder, comprendre qui était-elle, reniflant l'air comme pour lire en les effluves qu'elle dégageait... Des phéromones de notre espèce... ?

Elle est immobile, m'observe d'un air curieux, sans comprendre mes pensées profonde, c'était dans ces moments que je regrettais de ne pas avoir la parole pour lui en mettre plain la tête, pour qu'elle arrête de me jauger de la sorte, comme si elle était supérieur à moi. Peu importe ce qu'elle pouvait être, elle ne m'effrayait pas le moins du monde, j'étais juste... curieux, trop curieux de savoir qui elle était. Je me permettais de la jauger, mais cela ne devait pas être réciproque. Tant que je n'aurais pas compris qui elle était, je ne bougerais pas, et elle avait la manie de m'amuser, avec cet air qui me ressemblait, aussi arrogant et supérieur. Elle semblait avoir du caractère et ne se mouchait sans doute pas du coude...

Bien sûr que ça m'amuse...

A faire sortir les gens de leurs gonds rien que d'un regard, cela marquait une certaine puissance, et je me sentais fier de faire en sorte qu'elle dévoile une part de sa personnalité pas très patiente, m'en disant bien plus long que ce qu'elle pouvait deviner. Je pouvais apercevoir un éclat de mécontentement dans son regard, mais je ne pouvais esquisser ce sourire ironique qui me caractérisait en réponse, avec ce corps félin.

Contre toute attente, cependant, elle se leva pour prendre une autre forme, surprenante et inquiétante, mais je n'en baissais pas moins le regard, ne sourcillant pas une seconde pour assister au changement intégral, mais elle voulait marquer sa supériorité sur moi et prit une forme léonesque à la même robe que moi. Ah oui ? Et alors ? Je la défiais du regard. Que comptait-elle faire sous cette forme ? C'était décevant en fait de la voir perdre si rapidement patience. En me dévoilant ce pouvoir, elle venait peut-être de remporter une manche sur la taille et la puissance de nos formes cachées, cependant, elle avait perdu patience et ça... C'était plus affligeant que la victoire.

Bon assez joué... Mais je ne pouvais reprendre ma forme humaine ici, je serais nu comme un ver, et j'avais ma fierté. Ce serait indécent, même dans l'obscurité, je tenais à ma pudeur, quand même. Je montrais les crocs en signe de sourire félin et grimpa sur la branche de l'arbre où j'étais un instant auparavant pour filer dans l'obscurité en tapinois, de sorte qu'il ne me voit pas. Notre rencontre féline s'achevait ici. Mais sans doute que cette personne avait remarqué ma différence et si elle voyait ne serait-ce que mon regard, elle se douterait sans doute. Par contre, elle ne pouvait pas se douter de ma véritable nature. Un éclair noir dans l'ombre et je retournai auprès de mes vêtements délaissés, sentant qu'il était désormais inutile que je garde cette forme de chat, pour laisser place au vampire. J'avais complètement abandonné l'idée de cambrioler la bibliothèque en trouvant un nouveau plan finalement... Même si cela restait plus délicat, c'était moins illégal...

Et les poils se résorbèrent pendant que le corps pâle grandissait jusqu'à reprendre une allure humaine, enfilant en même temps les vêtements pour ne pas rester nu dans ce froid et cette obscurité. D'un geste, ta cape voltige pour atterrir amplement sur tes épaules pendant que tu boutonnes le col et sort de ta cachette, après avoir remis ton cache-oeil en place. D'un pas rapide, tu t'approches de l'énorme félin et lui fait un sourire narquois, en restant à un mètre de distance. Cette fois tu peux faire ton sourire narquois et engagé sur un ton ironique :



Je ne comprenais toujours pas ce qui m'avait poussé à la suivre, et je ne comptais pas partir sans avoir résolu ce mystère. Elle ne pouvait pas être une vampiresse, je l'aurais senti... elle était... quelque chose de plus ancien...

L'animal se lève, me fait face et m'observes d'un regard tout aussi arrogant que le mien ? Je perdis mon sourire, car elle ne semblait pas vouloir me répondre. J'imaginais que de toute façon, elle ne pouvait pas parler sous cette forme, tout comme moi, dans ma métamorphose, je perdais la parole, c'était un handicap, mais c'était la faiblesse du don. Je la défie du regard, sans lâcher le morceau. Elle a quelque chose de vampiresque, un humain n'aurait jamais tenu mon regard de la sorte, sans en être un pourtant... Qui était-elle ? Comment avait-elle fait pour attirer mon instinct félin de la sorte pour me perturber au point que mon plan échoua ? Ca me foutait en rogne de m'être laissé aveugler par une femme... Mais cela ne semblait fonctionner que sous ma forme féline, ce qui me posait un gros problème finalement pour le plan d'« emprunt » dans la bibliothèque.

Et d'un seul coup, elle prend une nouvelle forme, un chat aux traits plus fins, mieux dessinés, les oreilles étrangement allongées. Je n'étais pas un spécialiste en chat, en outre, ça ne m'intéressait pas. Je ne connaissais même pas le nom de race de ma métamorphose. Mais la mienne était unique, j'avais une seule forme, pas 36. Elle me feule dessus et se sauve, me laissant coi sur cette situation désagréable. Je comprenais alors que je ne pourrais rien tirer de cet animal, néanmoins... Je savais qu'elle travaillait à la bibliothèque, il ne serait pas difficile de la coincer là-bas, un de ces quatre pour savoir qui elle était...

Le vent soufflait, tandis que je regardais l'animal s'éloigner d'un air songeur. En fait... je détestes les chats, ironiquement, mais peut-être plutôt les femmes... Ils sont pareils, agaçants, feignant l'indépendance et la liberté pour mieux vous accaparer... Foutaises.

Je ne compte pas la poursuivre, je reviendrais en temps voulu. Pour l'instant, je devais me remettre de l'échec de la soirée, et réfléchir à tout ceci, car cette rencontre pourrait être le sujet de quelque chose de bien plus intéressant qu'un cambriolage... Serrant les poings d'un air déterminé, la cape volant au vent qui venait du Nord, je pris la direction pour faire face à Eole et retrouver Morphée...