Le principe des Cités avait beaucoup changé. En autant de temps, il était évident que des changements surviendraient, mais Hadès ne s’attendait pas à ce qu’ils soient aussi conséquent. Le Sommeil avait décidément été un véritable fléau, empêchant les dieux, espèce dominante, créatures puissantes d’un autre temps, de suivre les métamorphoses connues par les sociétés qui autrefois les révéraient. Et qui leurs étaient intimement liées. Selon les époques, ils avaient même eu la nécessité de changer de nom, pourtant, ils le savaient, c’était toujours à eux que l’on rendait un culte.

Puis les religions monothéistes étaient apparues. Au départ, personne n’y avait prêté d’attention particulière, selon les divinités, les raisons étaient multiples. Zeus, assit sur son trône, était bien trop persuadé de sa supprématie pour s’en inquiéter à temps, quand à Hadès, en réalité, peu lui importait. A l’époque déjà, le culte qu’on lui rendait était mineur comparé à ceux rendus à ses frères, mais il s’en fichait. On pouvait penser à de la négligence ou à une trop grande passivité, mais le résultat était resté le même. Comme les autres, il était tombé dans l’oubli. … et quelque part, Hadès était obligé de reconnaître qu’il trouvait ça presque agréable, et particulièrement amusant. C’est que, représentations fausses ou pas, quand on est un être divin, se balader dans les rues et voir la vie de tout les jours des mortels était loin d’être aussi facile que ça ne l’était autre fois, où l’on craignait alors de subir la fureur divine à chaque descente (ou montée dans son cas), d’un être dit supérieur sur Terre, quelle que soit sa nature d’ailleurs.

C’était un avantage comme un inconvénient, une donnée qu’il avait rapidement été forcé d’intégrer aussi. Parce que ça signifiait également qu’il n’était plus aussi libre de ses mouvements, mais aussi et surtout, qu’il ne disposait pas de la même influence. Retrouver Perséphone autrefois n’aurait pas été tâche aisée, mais des mortels désireux de se faire bien voir du dieu des Enfers, ou tout simplement pieux, se seraient fait une joie sans nom de lui apporter son aide. On ne se déplaçait pas et ne communiquait pas aussi facilement à l’époque, mais il aurait disposé d’un incroyable résau d’information, et ses chevaux égalaient à ses yeux n’importe quel moyen de transport possible et imaginable. D’autant plus qu’il avait encore du mal avec les méthodes modernes… le principe de transports en commun était pour lui à la fois exotique et étrange… et désagréable. On y voyait de tout, de la personne respectable allant ou revenant de son gagne-pain (pour ceux qui se poseraient la question, Hadès bougeant constamment à la recherche de son aimée, il enchaîne les petits boulots pour financer nourriture et voyages), au jeune couple fou d’amour (... croyez le ou non, ça lui arrachait des petits sourires à la fois amusé et mélancoliques), en passant par le type ou la nana bourrée qui faisait royalement -censuré- tout le reste du monde. D’où le côté désagréable de la chose.

En prime, il avait beau être dans un bus, il ignorait totalement où ce dernier allait s’arrêter en ce début de matinée, et le type à côté de lui, en plus de puer l’alcool, était visiblement dans un coma éthylique et s’était vomi dessus… et le conducteur n’avait pas le droit de le faire descendre avant son terminus.