Il était neuf heures du matin. Dehors le jour se réverbérait sur la vaste étendue de sable, rendant le paysage presque trop lumineux. Il faisait déjà chaud, sans doute assez pour pouvoir faire cuir un œuf sur l'un des quelques rochers parsemant le désert alentour ; et pourtant, la présence d'un oasis tout près contribuait à rendre l'air moins étouffant.
Fort heureusement, le palais était équipé d'un système de climatisation. C'est fou ce que Liam avait apprécié ces inventions, elles sauvaient des vies. Grâce à elles, il se réveillait le matin sans avoir déjà envie de prendre une bonne douche et son sommeil ne s'en portait que mieux. En revanche cela le poussait à s'attarder un peu plus au lit, tant et si bien qu'il lui arrivait parfois de ne se lever qu'à l'heure du déjeuner.
Ce ne fut pas le cas ce jour-là. Toujours confortablement installé sous sa fine couverture, l'ancestral gardait les yeux fermés mais était bel et bien réveillé. Il n'était pas du genre à les ouvrir en grand dès qu'il se sentait qu'il ne dormait plus, c'était pour les stressés ça. Quand on vivait plus au jour le jour qu'autre chose, sans instaurer de planning méticuleux – qu'on était de toute façon incapable de tenir comme il se devait –, on était bien plus relax que ces gens qui paniquaient dès qu'ils voyaient qu'ils auraient dû être levés depuis dix minutes déjà. Comment pouvait-on commencer une journée par un marathon, sérieux ? C'était tellement épuisant et désagréable, ne serait-ce qu'à regarder.

Bref, pour lui, il n'y avait rien de tel que la tranquillité pour commencer une journée. C'était tellement agréable de pouvoir paresser calmement dans son lit. Un sourire satisfait naquit sur ses lèvres tandis le blondinet s'étirait doucement les bras et les jambes, puis il roula pour se retrouver sur le flanc droit. Là, il daigna enfin entrouvrir les yeux. La pièce était doucement éclairée par les quelques rayons qui se parvenaient à se frayer un chemin entre les rideaux entrouverts. Sans surprise, le ciel était d'un bleu magnifique. On ne voyait pas beaucoup de nuages dans le désert, les sécheresses duraient parfois si longtemps qu'il faisait exprès de se rendre en ville un jour où il y pleuvait – eh oui, la pluie pouvait nous manquer. Cela s'était d'ailleurs produit pas plus tard que la semaine dernière, il avait donc encore sa dose pour quelques jours.
Hyksôs poussa un soupir après être resté allongé un petit moment puis se leva à moitié, faisant glisser la couverture. Il replia une jambe à la verticale pour poser un bras dessus et se frotta un peu le crâne tout en poussant un bâillement. Encore quelques étirements et le voilà enfin prêt à s'extirper de ses draps pour aller ouvrir les rideaux d'un pas léger, non sans frissonner en posant ses pieds nus sur le sol frais.
Lorsque la pièce fut soudainement inondée de lumière, il plissa les paupières par réflexe et plaça une main en visière. Contrairement à ce que racontaient les contes sa nature de vampire ne le rendait pas vulnérable au soleil, mais n'empêche que comme tout un chacun, il y était sensible le matin.

Par la suite, notre ancien monarque favori prit un bain et s'habilla. La matinée se déroula tranquillement, il la passa au bord de l'oasis. Mais quand vint l'heure du déjeuner, il démontra à quel point il pouvait être casse-pieds : lorsque son serviteur souleva la cloche recouvrant son assiette en annonçant un filet de poisson, Hyksôs releva la lèvre inférieure comme si le plat le dégoûtait. Cela ne manqua pas d'échapper à l'employé de maison, qui eut l'intelligence de ne pas prendre la parole le premier.

« Andrew ?
- Oui monsieur ?
- Je pensais que le chef était au courant que je souhaitais qu'on me serve de la viande ?
- Sauf votre respect, vous avez demandé à manger du poisson hier soir. »

Ah, c'était possible. Mais le lunatique ancestral lui passa un savon quand même en lui disant de ne pas se fier à ce qui avait été dit la veille au soir la prochaine fois, qu'un bon majordome se serait enquis de ses préférences durant le petit déjeuner. N'empêche qu'il mangea le plat, bien que rapidement. A croire qu'il était pressé. A peine avait-il fini qu'il annonça vouloir sortir. Andrew lui demanda où il comptait aller, surpris, mais le vampire se contenta de répondre qu'il avait envie de faire un tour en ville en embarquant sa veste à fourrure.
Pour effectuer rapidement le trajet, la voiture s'imposa. Une fois arrivé il se contenta de se balader, jusqu'à emprunter une rue peu fréquentée où il passa devant une vieille voyante qui l'arrêta en lui demandant s'il voulait qu'elle lui lise l'avenir. Le Akhenaten se stoppa le temps de lui dire avec un sourire condescendant  qu'il ne croyait pas en ce genre de choses, cela fait il se remit en marche. Cependant il ne fit pas trois pas que, déjà, la vieille dame avait trouvé le moyen d'attirer son attention : elle lui demanda s'il ne voulait vraiment pas savoir ce qu'il allait advenir de sa relation avec la jeune fille qu'elle voyait dans sa boule de cristal.

Liam resta immobile un court instant, avant de faire demi-tour et de s'asseoir en face de la voyante avec un grand sourire. Oh il considérait toujours ce soi-disant don comme un attrape-nigaud, c'est juste que l'envie lui avait pris d'écouter ce qu'elle allait lui dire. Si elle insistait ainsi, c'est qu'elle devait avoir une bonne nouvelle à lui annoncer non ? En général, c'étaient ce que ces gens faisaient : de bons présages. Et de toute façon, si ce qu'elle allait dire ne lui plaisait pas, il aurait toujours la possibilité de le lui faire regretter – surtout qu'il aurait la preuve qu'elle racontait n'importe quoi, puisque l'échec était inenvisageable chez lui. C'est sur cette pensée très aimable que l'immortel l'invita à parler.
Comme prévu, rien de pessimiste ne fut dit. Il ne l'écouta qu'une petite poignée de minutes avant de juger que cette discussion n'avait plus aucun intérêt, une raison tout à fait suffisante pour ne pas rester là de son avis. Le souci, c'est que quand il se leva et la salua, elle l'arrêta en demandant sur un ton quasi désespéré s'il ne comptait pas la payer. Ah, le fait que ces charlatans demandaient à être payés lui était sorti de l'esprit ! Dans un élan de bonté il lui lança une petite pièce et s'éloigna.

Bon, c'était bien malin d'avoir parlé à cette mémée, mais maintenant le blond avait bien envie de rendre une petite visite à une personne bien particulière. Cet objectif en tête il mit cap vers l'une de ses tavernes favorites, qu'il avait découvert assez récemment mais dont il connaissait déjà le chemin par cœur.
Il ne lui fallut pas bien longtemps, même à pieds. Quand il poussa la porte de l'établissement son regard se mit à scruter chaque visage, chaque silhouette. Hyksôs ne mit pas bien longtemps à repérer la personne qui l'intéressait, non seulement parce qu'elle était l'une des rares à être debout mais aussi, tout simplement, parce qu'il était devenu doué pour l'apercevoir même dans la foule.
Sharmal – car c'était bien elle qu'il cherchait – s'affairait un peu partout, comme à son habitude. Par décence il se dirigea tranquillement vers le bar sans la déranger et attendit qu'elle passe non loin de lui. Dès qu'une chance se présenta, il sauta dessus.

« Oh, Sharmal ! Comment va ma tenancière favorite ? » Dit-il gaiement, avec un sourire éblouissant. « Je ne t'ai pas trop manqué j'espère ? » Oui c'était assez osé de sa part, mais croire qu'il était du genre réservé serait mal le connaître. En plus, c'était vrai qu'il n'avait pas trop eu l'occasion de passer récemment.
Cela dit Hyksôs était tout de même venu en client (Sharmal n'apprécierait pas le cas contraire, et puis leur vin était bon mine de rien), alors il ajouta ensuite « Comme d'habitude, s'il te plaît. » Eh oui, à force de venir mat-euh, apprécier la compagnie de la jeune femme, il avait commencé à développer ses petites habitudes.