Non loin d’un grand bâtiment, Aaron observait la neige tomber, cigarette dans la bouche. Il s’était chaudement habillé pour parer à la neige qui tombait sans cesse depuis quelques jours désormais. Bonnet, gilet, veste, bottes… Tout ce qu’il avait pu trouver et qui pouvait l’aider à éloigner de lui le froid de la ville. Malheureusement, il n’avait aucun gant, juste une paire de mitaine en piteux état. Evidemment, cela ne protégeait pas le moins du monde ses doigts. Ah, qu’il aurait aimé être un magicien de feu, capable de réchauffer lui-même ses membres endolori. En revanche, jamais il n’avait songé à quitter cette ville qu’il appréciait tant. Certes, découvrir de nouveaux horizons ne lui était pas désagréable mais quitter cette neige qu’il avait appris à apprécier lui était difficile. Une fois il était partit pour Terraria en espérant trouver une façon de gagner un peu plus d’argent qu’à Froënbourg. Toutefois, l’absence de neige l’avait plutôt refroidi et il était bien vite retourné dans sa ville natale.

Le jeune homme fit les cents pas durant de longues minutes, non loin de la porte de service de l’établissement… A vrai dire, il ne savait même pas ce qui se trouvait là. Il attendait seulement car il lui semblait avoir vu une connaissance rentrer dans le bâtiment, une connaissance qui valait la peine d’attendre quelques secondes, quelques minutes ou quelques heures. C’était pourquoi il se retrouvait là, à ne rien faire alors qu’il aurait pu se trouver d’autres activités bien plus intéressante. Sans doute son ami était-il en train d’effectuer une livraison… Oui, c’était la raison la plus plausible de sa présence dans ce bâtiment. Mais ne pouvait-il pas se dépêcher un peu ? Toujours à prendre un temps inimaginable lors de son travail celui-là. Retenant un juron, le jeune homme retira la cigarette de ses lèvres, expira lentement un nuage de fumée opaque et rapprocha ses deux mains qu’il venait de joindre vers sa bouche avant de souffler machinalement dessus pour les réchauffer. Son souffle fut accompagné d’une petite fumée causé par le froid et qui recouvra rapidement ses doigts avant de disparaitre dans l’air ambiant.

C’est alors qu’un bruit se fit entendre dans le calme ambiant. La lourde porte de service s’était ouverte, laissant sortir un jeune homme aux cheveux blancs qui était familier à Aaron. Il ne s’était pas trompé, c’était bien Gabriel. Il sourit à sa vue avant de s’avancer vers lui d’un pas rapide. Il n’allait pas le laisser partir maintenant qu’il avait passé un quart d’heure dans le froid. Il se mit juste devant lui, ne cherchant même pas à savoir si ce dernier l’avait vu ou non, et le toisa de toute sa hauteur. Dans un fin sourire moqueur, il s’adressa à lui d’un ton amusé et sarcastique.

- Eh ben, on peut dire que tu sais te faire attendre. Tu sais depuis combien de temps j’attends dehors ? Tu peux être sûr que tu vas me le payer.

Le ton était donné. Comme d’habitude, avec ces deux-là.

Suite aux remarques taquines de son ami, la réaction d'Aaron fut aussi instinctive que brutale : Il lui asséna un violent coup de poing dans l'épaule, sans même faire attention à ne pas trop forcer. C'était souvent ainsi, entre ces deux-là. Lorsqu'ils n'étaient pas d'accord sur un point, ils avaient la fâcheuse habitude de se battre sans faire attention à leurs forces. A vrai dire, ils se battaient très souvent sans raison, l’un prétextant que l’autre l’avait énervé ou d’autre excuses ridicules de ce genre. Pour le blond, c’était là une preuve d’affection, rien de plus, rien de moins.

- Garçon, je veux pas te faire de mal mais de nous deux, j’ai bien plus de succès que toi. Regarde mon physique de rêve, n’importe qui en serait fou.

Aaron laissa échapper un léger rire en observant son ami. Il était agréable de voir que rien ne changeait entre eux, au fil des ans. Agréable et pourtant, cela agaçait parfois le jeune homme sans qu’il ne sache vraiment pourquoi. Après tout, les deux s’entendaient à merveille, que lui fallait-il de plus qui semblait lui manquer ?

[center]- Un café ? Suis moi, je sais où est le meilleur dans le coin ![center]

Il prit son ami par le poignet et le tira avec lui jusqu’à une rue bien plus animée que celle dans laquelle il se trouvait. Bien vite, le blond entra dans un café simple mais convivial, sa main toujours autour du poignet de Gabriel. Il le fit s’asseoir au fond de la salle, aux tables possédant des fauteuils en guise de siège. Il avait attendu dans le froid suffisamment longtemps pour avoir le droit de passer les prochaines minutes confortablement, non ? Et par ailleurs, il avait en tête une idée qui fit naître sur son visage un sourire narquois. Un serveur se dirigea rapidement vers eux et Aaron fut le premier à prendre la parole.

[center]- Un chocolat chaud pour moi, avec de la guimauve. Pas mal de guimauve, autant que vous pouvez, c’est lui qui paie.[center]

Il venait de pointer du doigt Gabriel sans lui laisser le temps de parler. Voilà, il avait sa petite vengeance. Il dévisagea son ami avec un large sourire, attendant que ce dernier passe sa commande. Lorsqu’ils furent seuls à nouveau, le blond reprit la parole en retenant un léger rire. Une boisson chaude gratuite par ce froid, il y avait de quoi en rire de plaisir non ?

[center]- Je ne t’avais pas revu depuis un moment, quoi de neuf ? Je veux tout savoir, comme d’habitude ![center]

La porte de son appartement avait été détruite ? Par un mec qu’il n’avait pas l’air de connaître ? Qui en plus l’avait pris pour quelqu’un d’autre ? Qui, de fait, l’avait visiblement menacé de mort ? Et il ne l’avait toujours pas réparé ? Aaron ne put savoir si le pire dans tout ça était ce qui lui était arrivé ou le fait qu’il en parle avec un tel détachement, comme si ce n’était rien. Le blond ne put retenir un grand éclat de rire qu’il calma difficilement. Les joues un peu plus roses que d’habitude à cause du rire et les yeux légèrement larmoyant, Aaron récupéra son sérieux et observa son ami, un sourire sur les lèvres. Une fois un peu plus calme, il repensa à ce que venait de lui dire Gabriel. Cette histoire était étrange, comme incomplète. Pourquoi l’aurait-t-on confondu avec quelqu’un ? Et qui serait ce Guillaume, surtout ?

- Et ça ne te gêne pas plus que ça de te faire menacer de la sorte ? Genre normal ? Sacré Gaby, y’a que toi pour réagir ainsi. Et tu connais ce Guillaume qu’il cherchait, au moins ? On connait tous un Guillaume…

Une simple question, mais le ton dans sa voix était suffisant. C’était un interrogatoire, et il ne s’en sortirait pas en éludant la question. Ainsi, il en saurait un peu plus sur cette histoire plutôt louche. Mais il ne voulait pas non plus braquer son ami, c’est pourquoi il décida tout de même de répondre à son autre question, bien que cette dernière le laissa perplexe. Qu’est-ce qu’il allait lui répondre ? C’est vrai qu’il ne lui avait jamais dit pour ses préférences, il faisait attention de ne pas en parler à trop de monde, mais pourquoi à lui, il ne lui avait jamais dit ? Lui-même l’ignorait, peut-être estimait-il que ce n’était pas le moment ? Et quoi qu’il en soit, ce n’était toujours pas le bon moment pour lui en parler.

- T’es totalement à côté de la plaque mon pauvre. Tu sais bien que je fais peur aux femmes avec tout ça sur le visage.

Il tira légèrement la langue et montra du doigt le piercing posé sur cette dernière, ce seul mouvement servant aussi à désigner les autres piercings de son visage. Il est vrai que la plupart des gens trouvaient cela inquiétant, voire même effrayant ou tout simplement ridicule. Mais il s’en moquait, du moment que cela lui convenait. D’ailleurs, l’idée de s’en faire un sur la lèvre venait de germer dans son esprit… C’était une idée à garder en tête pour le moment.

Pardon ­><: