Oksana&Jack

« Cold night »

Depuis combien de temps marches-tu, Oksana ? Tu n'en sais rien. Tu ne sais plus où tu vas ; avant, au moins, tu savais que tu coulais. Maintenant, tu es aveugle. Aveugle alors que tu sais enfin. Qui aurait cru que cela te mettrait dans un tel état. Qui l'aurait imaginé ? Que tu ne vois plus le fond, que ton monde se coule dans des dégradés de rouges profonds et de noirs abyssaux. Ta douceur et bonté tous justes remontées que tu t'acharnes à les réenterrer, plus profondément, plus violemment encore que jamais; plus cruelle, plus sauvage, plus monstrueuse, te voilà bien décidée à détruire ce qui reste d'humanité dans ton être brisé. Et tu t'y obstines, et tu t'y entêtes, afin de ne plus jamais avoir mal. Avoir mal. Mais peux-tu seulement encore ressentir la douleur ? Tu n'es rien Oksana. Et « rien », ça ne peut pas « avoir mal ». Tu t'arrêtes une seconde dans ton errance spectrale et pose ton indexe sur ta lèvre inférieure, levant un regard sur le disque platine sur lequel la lumière du soleil vient se refléter.

Comprends-tu ce que ça veut dire gamine ? Tu as presque tué la personne pour qui tu comptais le plus.

Ce triste écho continue de se répercuter dans tous les recoins de ton être. Tu avais une importance pour quelqu'un en ce monde, finalement. Tu avais une importance pour quelqu'un en ce monde, et ce quelqu'un, tu l'as détruit. Ton regard de turquoise se voile, ta vue se brouille, tu jures. Tu ne chialeras pas. Tu es faible. Tellement, tellement faible ! Tu te fais pitié. Pourtant, tu ne peux plus le nier. Cette remise en question sera difficile. Et ton orgueil -parce que tu en as un, aussi étrange que cela puisse paraître- t'en empêche. Tu baisses violemment la tête et avances de nouveau, déterminée. A quoi, à rien. Tu erres sans but, ou si : te blesser, te faire saigner, taper, te défouler, t'oublier. Oublier. Oublier que même si tu n'es « rien », tu as « mal ». Tu as mal. Ton pas s'accélère. Ton ventre commence à gronder -depuis quand n'as-tu pas mangé ? Tu ne fais plus grand chose, dernièrement. Tel un zombie, tu cherches la chaire, le sang, te nourrissant de la souffrance d'autrui. Tel un vampire, une sang-sue. Tu cherches à faire mal. Voilà comment tu oublies que tu as mal. Tu n'es plus une simple mercenaire, tu es toi-même bourreau qui impose sa tyrannie, qui détruit sans but visible. Tu n'es plus qu'un être vide qui ne cherche plus aucune rédemption. Parce que, voilà, « tu » n'existes pas.

Un son vient titiller ton esprit. Tu t'arrêtes, tournes lentement la tête, te baisses, cherches à trouver la provenance du son. Peut-être as-tu trouvé un énième punching-ball, ce soir. Ou cette nuit. Plutôt cette nuit, d'ailleurs. Tu avances lentement, en silence -comme certaines « personnes » que tu as déjà eu le loisir de rencontrer, tu te fais l'effet d'un prédateur. Tu n'en retires ni plaisir particulier, ni gêne, juste une profonde indifférence. Tu fais la moue. Tu vas le taper quand même. Tu sursautes, te planques, constatant qu'il t'a peut être remarqué, avec tes conneries.

Tch.. Faut que j'arrête de boire...

Tu souffles, soulagée. Fronces les sourcils, puis lui lances à nouveau un regard interloqué. Ce n'est pas toi qu'il regardait à l'instant... Tu lèves les yeux puis arques un sourcil. Deux punching-ball... ? Non. Il ne t'a pas semblé qu'il y avait quelqu'un pourtant... Ouais. Il a juste trop bu. Ça risque de ne pas vraiment t'occuper. Tu fais une nouvelle moue, dépitée cette fois, puis souffles en silence et suis l'inconnu. Tu commences sérieusement à ta faire peur. Mais tu t'en moques. Tu vas juste lui fracasser la boîte crânienne quand tu en auras l'occasion, le regardera agoniser et t'en iras les mains dans les poches, rassasiée. Tu ne te nourris plus que de douleur. Tu t'arrêtes un instant, baissant le regard. Tu te trouves encore plus pitoyable. Peut être que finalement, tu cherches juste à tout arrêter. Tu n'as pourtant jamais été suicidaire.

Il y a quelqu'un ? ... Si c'est pour me taper, cassez vous, car je sais frapper dans les dents... Si vous voulez de l'argent, j'ai rien sur moi...

Tu sursautes, laisses échapper un hoquet de surprise. Tu n'avais même pas remarqué que tu venais de faire du bruit. Tu t'écroules, clignes avec force des yeux, tentant de te reprendre. Non mais c'est quoi ça ? L'inconnu, encore trop loin, ne peut te voir dans ce noir abyssal dans lequel tu es tombée. Tu te redresses lentement, reculant d'un pas. S'il croit qu'il te fait peur... Tu vas juste lui démolir le coin du nez, lui ravaler le portrait. Il ira pleurer chez sa mère après. Tu commences vraiment à ressembler à une petite frappe qui agresses les collégiens à la sortie du collège... Ça va vraiment plus. Un sourire carnassier se dessine sur tes lèvres, constatant que le type ne fait pas pour autant le malin. Il est inquiet, et cette tension est presque palpable. Ces derniers temps, tu étais celle qui étais effrayée, et constater que les rôles s'inversent enfin de nouveau, que tu n'es plus en position de faiblesse, c'est d'une jouissance, mais d'une jouissance... ! Tu te plaques au mur derrière toi, reluquant le jeune homme qui scrute ce tissu d'ombre dans lequel tu t'es camouflée, un sourire sauvage aux lèvres. Tu réfléchis encore à comment tu vas lui faire regretter d'être né. Tu pourrais commencer par lui broyer la gorge, pour qu'il ne puisse appeler à l'aide. Puis lui péter les rotules, pour qu'il ne puisse s'enfuir. Après, tu pourrais lui briser les doigts un à un, t'occuper, pourquoi pas, de son épaule droite. La majorité des gens sont droitiers. Au pire, tu pourrais faire la gauche aussi, juste pour le fun. Tu l'observes, tu attends. Tu ne sais pas trop pourquoi tu hésites. Sûrement pas par crainte, et encore moins par pitié. Mais tu n'as pas besoin de te pencher sur la question, après tout. Tu te redresses toujours aussi silencieusement, avances d'un pas, toujours faisant attention de rester bien dans l'ombre. Tu souris. Tu vas commencer par lui arranger le nez, tiens. Puis, brusquement, tu lui envois ton poing dans le visage. Chose pas des plus agréables au vu de ta force herculéenne. Après qu'il se soit bien ramassé suite au choc, tu t'avances de quelques pas jusqu'à lui, le surplombant largement, et lui offres un immense sourire de garce.

Coucou toi ♥  Tu sais que c'est mal de traîner dans ce genre d'endroits à une heure aussi tardive ?

Tu l'attrapes par le col de son haut, l'envoie bouler un peu plus loin, puis t'avances à nouveau vers lui d'un pas ferme. Oui, il est en train de se faire passer à tabac par une nana qui n'a pourtant pas l'air bien farouche à première vue. Ou paaas... Tu l'attrapes, le plaques au mur ; non, ceci n'est pas une tentative de viol, tu veux juste lui refaire le portrait. Même sa mère ne pourra plus le reconnaître après. Ou du moins, c'est ton intention première.

Into the darkness