Une invitation. Tout avait commencé par une simple et putain d’invitation. Il faudrait toujours se méfier des propositions du genre « hey ça te dirait de [insérer ici une activité probablement dangereuse et/ou loufoque]». Et plus que s’en méfier, les refuser. Et pas le refuser avec un « non mais j’sais pas trooop, je bosse demain tu vois ». Non parce qu’avec ce genre de réponse, trois punchlines plus tard on se retrouve à poil sur une table à danser la macarena. Pas que ce me soit déjà arrivé hein. J’suis du genre prudent. Il faudrait plutôt répondre un truc du genre « NON JAMAIS. CREVE. DEGAGE DE MA VIE A TOUT JAMAIS ». A coup sûr ce serait bien plus efficace.

C’est pourquoi une invitation par lettre est un procédé incroyablement vicieux. On ne peut pas répondre indécemment et quand on ne sait pas où renvoyer un refus, et bien si l’on est tant soit peu poli, on va là où on est convié. Même si ça implique d’aller sous l’eau (si la coupole lâche on meurt noyé, c’est joyeux), de se balader dans un endroit inconnu (oh un vieux château pas du tout effrayant), parmi des tas d’inconnu (… la moitié d’entres eux me file des frissons, je suis tombé dans une réunion d’anciens psychos ?). Bref.

Moi, Jimminy Rigg en ce soir là je n’en menais pas large.
Et Heimdallr ne me lâchais pas une seule seconde ne cessant de me rabâcher (dans ma tête, putain de voix) que je n’aurai jamais dû mettre les pieds ici. Ayant un sens du danger particulièrement - ben - élevé disons, je le sentais encore plus mal qu’avec ses mises en garde.
J’étais vraiment pas certain d’en sortir vivant.

Alors vu que je flippais chaque fibre de mon corps (je peux le dire, c’est le passé) j’ai fais ce que tout être humain normal (ce que je suis évidemment - même avec un Dieu dans la tête) fait à une soirée où il tient le rôle de plante verte : j’ai tenté d’oublier ma mort surement prochaine dans un verre. Puis deux. Puis après j’ai arrêté d’essayer de compter parce qu’Heimdallr criait plus fort qu’il fallait que je me stoppe quand j’arrivais plus à dire où j’en étais.
Je ne tiens pas l’alcool c’est pathétique.

Et puis d’abord, pourquoi [insérer ici le nom d’une connaissance de Jimminy dont il se souviendra mieux sobre] m’avait invité ? Sérieusement ? Ce n’est pas comme si j’étais, je ne sais pas moi, proche quoi. Abordable ou un truc du genre. A tous les coups c’est parce que je suis petit donc on me juge faible donc facile à tuer. Ce qui est vraiment une façon de penser très clichée et pas sympa. Okay, je suis faible mais il existe surement des gens petits (je ne suis pas le seul encore heureux) qui sont assez forts et qu’on ne peut pas tuer comme ça. Et…
Oh bordel, ‘y avait quoi dans ces cocktails ?

J’me sentais pas bien-bien. Soit j’avais vraiment trop bu et j’allais vomir sur les pieds d’un illustre inconnu ce qui m’aurait fait chier (frais de laverie tout ça) soit il y avait un truc pas net dedans. Ma main gauche me faisait mal ce qui est complètement stupide parce que d’aussi loin que je me souvienne j’ai jamais eu de main gauche. Mon masque s’est cassé un peu la gueule quand j’essayai de m’accrocher au mur avec ladite main (en bois vu que j’en ai pas - personne ne suit ou quoi ?). C’est un beau masque en plus, en bois souple avec des dorures faites main, il représente un corbeau. Oiseau de mauvais augure j’aurai dû me méfier plus, quand on se retrouve dans une antre à psychopathes on ne touche à rien - comestible ou non.

Ma main venait de lâcher à cause de la douleur ce qui est VRAIMENT stupide. Du coup je me suis écrasé par terre. Ma tête me faisait mal aussi, ma cicatrice brûlait, mes yeux s’embuaient. J’suis faible putain. Soudain j’ai eu une impression étrange, puis je me suis rappelé que c’est comme ça que je me suis réveillé pour la première fois de ma vie. Le bras gauche ensanglanté, la gueule me brûlant comme si tous les chiens de l’enfer étaient venus pisser dessus et le reste du corps rêche de poussière.

Heimdallr hurlait plus fort des insanités, des trucs du genre que je suis un idiot, qu’il m’avait prévenu et qu’il avait très peur qu’il nous arrive quelque chose parce qu’il m’aimait bien qu’il fallait que je tienne bon et puis.
Sa voix est devenue de plus en plus basse, comme s’il s’éloignait. Je crois que je me suis mis à pleurer quand je m’en suis aperçu. Même si je grogne 57 fois par jour qu’avoir un Dieu dans le corps et l’esprit me pourri la vie j’ai jamais été seul, sans Heimdallr, il est un peu moi, un peu ma seule famille, la seule personne qui ne me laissera jamais tomber (et pour cause, il vit dans moi le marloupiot).
J’ai fermé les yeux pour le retenir très très fort. Vous savez le pouvoir de la volonté tout ça. Puis ça a commencé à devenir encore plus la merde parce que mon cerveau s’est déchiré. C’est l’impression que j’ai eu, comme si on m’avait ouvert le crâne et qu’on me déchirait le cerveau, pas bien au milieu, plutôt un genre de déchiquetage. Il y avait des spasmes style grenouille sous chocs électriques et de la souffrance et de la peur, j’ai très souvent peur mais là c’était le pompon.
Même au bord du gouffre je n’en perdais pas mes expressions merdiques.

Ça s’est arrêté au bout d’un moment et j’étais toujours plus ou moins bel et bien vivant. Le bonheur quoi. J’étais heureux et pas fier. Heureux parce que mon cœur battait à mes tempes. Pas fier parce que je m’étais à moitié pissé dessus, que j’avais de la bave plein mon veston et mon masque était à moitié déchiré. Mais bon, la vie me traversait toujours, oh par tous les Dieux quoi, c’était la fête !
Sincèrement, ma joie a duré approximativement 14 secondes.
Jusqu’à ce que je me relève et que je vois ce qu’il y avait devant moi.

Devant moi se tenait un mec grand, carré, en armure un peu doré, une lance à la main. Il ressemblait à un Musclor version littérature Harlequin parce que son visage semblait perdu, doux et très perdu. On aurait dit un chiot abandonné et j’ai failli lui demander s’il avait trop bu des trucs étranges lui aussi quand j’ai réalisé.
Avec un léger temps de retard je l’avoue.

Le mec devant moi, c’était Heimdallr. Ça ne pouvait être que lui. L’armure, la lance, la force, c’était tout les trucs qu’il m’avait raconté sur lui et. Okay, j’ai reconnu la lance pour l’avoir déjà utilisée en fait.
Mais, Heimdallr, le Dieu dans ma tête, la voix qui me donnait des supers pouvoirs se tenait maintenant devant moi. J’me disais bien qu’il était silencieux mais.

Heimdallr se tient maintenant devant moi.
Alors là sérieusement je ne sais tellement pas quoi faire. Dites-moi que c’est une fucking hallu, un bad trip ou au moins que c’est juste un effet temporaire.
Parce que je ne sais vraiment pas comment faire sinon.
Promis, la semaine prochaine j’irai voir un psy mais faites que tout cela finisse.