« Tu as faim ou soif?»  

Heinrich avait de quoi nourrir son calice - la vraie question était : était-il capable d’avaler quoi que ce soit ? Il le sentait encore un peu nerveux.

codage par Tic Tac Frey

La condition de lémure était quelque chose qu’Heinrich avait encore du mal à appréhender. Etait-ce un humain capable de se transformer en animal ou un animal capable de se transformer en humain. Laquelle de ses deux identités prévalait sur l’autre ? Ce n’était pas toujours clair. Normalement, du moins d’après ce que le vampire avait compris il s’agissait d’une sorte d’animal mystique capable de parler de se métamorphoser en être humain. Donc, au fond de lui, Aion était une sorte de lynx. Et Heinrich songeait qu’en rentrant il souhaiterait reprendre sa vraie forme un peu comme un humain change ses vêtements pour se mettre à l’aise après le travail. Pour des raisons qui n’étaient évident qu’au lémure, il décida de maintenir sa forme humaine. Le vampire n’y voyait pas d’objections.

Aion ne semblait pas emballé à l’idée de se nourrir, pourtant le docteur soupçonnait qui ne s’était pas alimenté depuis un moment. Pour le moment, il ne dit rien, se contentant de remplir une tasse de lait et de la passer au micro-onde avant de l’offrir à son invité.

« Ce n’est pas en t’affamant que ton père ira mieux. Tu vas devoir finir par t’alimenter…sinon tu ne tiendras pas debout.»    

Henry disait cela avec toute la bonne volonté du monde, mais principalement parce qu’il était intéressé. Après tout Aion était sa seule source de nourriture. Il ajouta donc :

« Surtout si je dois faire un prélèvement»    

Quoiqu’il en soit il ne pouvait pas le forcer à ingérer quoi que ce soit. Enfin si, il était capable de le faire mais torturer son calice n’était pas la bonne solution. Le but était de mettre son calice de son côté, tant pis s’il devait rester dans les vappes pendant une demi journée ou s’il devait finir par l’alimenter par perfusion. Mais ensuite il réalisa à quel point Aion avait l’air abattu. Heinrich était alors partagé entre l’envie de le laisser tranquille et la nécessité de lui rappeler que d’une certaine façon, il vivait pour deux. Alors il décida d’en rester là pour l’instant et de voir comment les choses allaient évoluer. Et Aion brisa le silence avec quelques questions. Heinrich décida de garder le masque d’Henry Miller pour répondre à ses questions. Il était fragile, autant le ménager un peu. Vu qu’il n’avait rien d’autre à faire, il prit place en face de son invité.


« Et bien… je t’ai mordu parce que j’avais besoin d’un nouveau calice. Et tu étais...comment dire… une cible facile, tu correspondait à mes critères.. Du moins je le pensais.»  


Il esquissa un faible sourire - signifiant qu’il était plus coriace qu’il ne l’avait pensé. En tout cas, il ne pouvait pas lui avouer que c’était parce qu’il était seul, isolé et perdu.

« Et chaque sang a un goût différent, donc je serai incapable de faire la différence entre toi et un humain..»  

En effet, le goût du sang dépendait de sa composition. Son goût pouvait changer pas seulement en fonction des humains mais du reste. Le taux de globules rouges, de globules blancs, de plasma, de sucre etc etc Tout ce qui composait le sang pouvait influencer son goût de sorte que même en me nourrissant que de son calice, Heinrich avait déjà perçu des changements radicaux en saveur. C’est pour ça que le goût du sang d’Aion ne l’avait pas alerté. Il était différent. Comme tous les autres.


« Il est décédé, évidemment. De causes naturelles, ne t’en fais pas. Il venait d’avoir… 80 ans. Quelque chose comme ça. Je t’ai mordu la nuit de sa mort. »  

Ce que Heinrich gardait pour lui, c’était la sensation. L’agonie qu’il avait ressenti. Non, il n’avait pas à savoir ça. Le vampire soupira un peu, repensant à George un moment. 54 ans de bons et loyaux services ça ne s’oublie pas. Et si Aion avait des questions, il n’en était pas en reste non plus.


«Et vous les lémures, votre espérance de vie est-elle similaire à celle d’un être humain ? Et aussi...»     il fronça légèrement les sourcils. « Pourquoi m’avoir appelé “ major” à l’hôpital. D’où ça sort ?Je te l’ai déjà dit. Mon nom est Henry Miller.. »  

Heinrich n’aimait vraiment pas ce surnom. Pour des raisons personnelles.

codage par Tic Tac Frey

Aion prétend qu’il n’a pas faim. Evidemment. Il est nerveux. Mais quand a-t-il mangé pour la dernière fois ? Heinrich ne savait pas depuis combien de temps il se trouvait à l’hôpital. C’était étrange, est-ce que les animaux avaient également ce genre de comportement ? L’estomac noué par le stress ? Quoi qu’il en soit Henry n’insistait pas, de toute évidence il ne pouvait gagner ce combat. Alors, puisqu’il ne peut pas soulager la faim de son calice, il peut en revanche satisfaire sa curiosité. Des questions sur son ancien calice. Le vampire pouvait répondre sans crainte, il n’avait rien à se reprocher. Par contre il ne comptait pas non plus tout simplement avouer. Il y avait des choses qu’il valait mieux garder secrètes. Mais le lémure continuait. Qu’est-ce que ça pouvait lui faire ?! Il commençait franchement à l’ennuyer avec ses questions. Son regard se fit soudainement plus distant, plus hautain, plus méfiant. Il ne pouvait pas garder le masque d’Henry Miller pour répondre à ses douloureuses questions.


«Il y a un lien entre un vampire et son calice. Ce lien s’est brisé. Et donc je l’ai su.»    

Pas de détail quant à ces douloureuses agonies qu’il avait ressenti toutes ces longues années. A chaque fois qu’un calice mourrait c’était éprouvant. Mais à la longue, il avait l’habitude. Il ignorait. Il attendait que ça passe. Et ça devenait plus supportable. Pas vraiment agréable mais supportable. Les réponses d’Aion en revanche étaient trop vagues. En même temps il ne pouvait pas savoir, il était orphelin. Apparemment le vampire devrait attendre et voir pour obtenir ses réponses. Est-ce qu’Aion vivrait 80 ans ou 120 ? Seul le temps le dirait. Il acquiesce en silence et rassemble ses longues mains devant lui.

Ce surnom “ major” ce n’était pas la première fois que Aion l’utilisait. Heinrich se souvenait même lui avoir déjà posé la question sans obtenir de répondre satisfaisante. Il attendait donc sa réponse avec impatience.En entendant ses réponses il éclata de rire. Ce n’était pas un vrai rire. Ni même un de ses faux rires ont le but était d’amadouer les gens. C’était un rire rauque et moqueur. Il haussa un sourcil.

«   Vraiment ?! Quel est le rapport ? »    

Il était curieux en quoi dans le cerveau de son calice bleu + dominant = major. Une drôle d’équation. Improbable même, ça n’avait aucun sens. Il ignora sa question sur la couleur de ses cheveux, il estimait avoir déjà répondu la dernière fois.  

«   Je t’ai déjà donné une de mes cartes, tu l’as déjà perdu ? »    

En effet Henry Miller se souvenait très bien lui avoir donné une de ses cartes professionnelles.  Son nom, sa profession et son  numéro de téléphone y étaient écrit.Mais est-ce qu’il savait lire au moins. Il alla donc en chercher une dans un tiroir et lui tendit à nouveau. Heinrich tenta d’être et esquissa un sourire pas très authentique.


«Maintenant, s’il te plaît, évite de m’appeler “ major”.»  

Il n’aimait vraiment pas ça. Non seulement c’était incroyablement grossier mais c’était un total manque de respect. Quand quelqu’un se donne la peine d’apprendre votre nom, il se doit de faire de même. De toute évidence Aion manquait d’éducation, pas étonnant. Entre être élevé par des animaux et des chasseurs de vampires, la différence n’était pas très grande. En revanche il venait de lui poser une drôle de question. Heinrich garda une expression de marbre et rétorqua :


« Qu’est ce que tu fais penser que j’aurai menti à propos de mon âge ?»  

Le vampire ne se souvenait pas lui avoir laissé des indices concernant un âge plus avancé que ce qu’il prétendait. Est-ce qu’il en avait appris sur lui ?  Il regarda rapidement sa montre.

« Ah c’est l’heure des infos.»  

Le docteur se leva et se rendit dans son salon. Il se laissa tomber dans le canapé et alluma la télévision tout en se massant un peu la nuque. La journée avait été longue, il avait besoin de sa petite routine.

codage par Tic Tac Frey

Aion était sans aucun doute curieux de nature, un peu comme n'importe quel félin. Mais le vampire le soupçonnait d'être mal à l'aise dans le silence. Heinrich s'en fichait, il n'avait pas vraiment besoin qu'on lui fasse la conversation. Il était parfaitement confortable dans le silence. Après tout il ne faisait que donner un coup de main à son calice, il n'avait pas à se sentir redevable. A moins que toutes ces questions ne fasse partie d'une tactique de distraction. Car oui, le lémure devait probablement avoir besoin de distraction. Malheureusement pour lui le vampire ne se considérait pas comme un clown dont le but était de le divertir.

Mais au moins il pouvait se satisfaire du fait que son calice comptait désormais retenir son patronyme. C'était une drôle de coïncidence qu'il choisisse un surnom aussi détestable que Major. Le côté militaire. Le côté en contrôle. Ca lui rappelait la façon dont il devait s'adresser aux officiers, aux sergents et autres. Il n'aimait vraiment pas en faire partie.

Ce qui l'inquiétait en revanche c'était qu'il semblait penser qu'il était plus âgé que ça. Il n'était pas convaincu par son explication. Est-ce qu'Aion avait des soupçons quant à sa véritable identité. Ca semblait être le cas et ça ne venait probablement de nulle part -  honnêtement Heinrich ne le pensais pas capable d'un raisonnement aussi complexe.

« Je te l'ai dit. J'ai 32 ans.»    

Voilà qui devait clore la discussion.  De son côté Henry Miller regardait les informations sans grand enthousiasme, mais c'était ce qu'il   faisait pour se relaxer après le travail. Il aurait pu jouer du piano mais...c'était plutôt une activité solitaire. Aion s'éclipsa à l'étage. Le vampire le suivit des yeux et ne posa pas de question. Il devait être fatigué après tout ce qui s'était passé. Mais il finit par redescendre en mode lynx. Ce n'est pas tout les jours qu'on a l'occasion d'observer un animal sauvage dans l'intimité de chez soi donc Heinrich en profita. Le lémure s'installa à ses pieds.


«  Tu sais, il y a un lit en haut pour toi.»    

Il lui paraissait qu'un lémure et surtout Aion était trop fier pour s'asseoir sur le sol, surtout à se pieds. Mais si ça lui faisait plaisir....Et ensuite arriva la réflexion inattendue. En réalité Heinrich n'en avait rien à faire du père de son calice. Il était plus un poids, une entrave qu'autre chose. Mais pour des raisons évidentes il devait sympathiser avec son calice. Il pouvait ressentir son inquiétude, sa peine, sa peur.
.  

« Je pense que tu sais mieux que quiconque ce qu'il désirerait. Si ça devait en arriver à ça.»    

Le vampire marqua une pause et inspira profondément. En effet, peut-être que ce serait à Aion de prendre une décision. Mais d'un côté, si l'homme souhaitait vivre, même handicapé, ça serait sa décision. En tout cas Henry ne pouvait penser à quoi que ce soit qui pouvait lui remonter le moral.

«.De toute façon ça ne sert à rien d'imaginer des scénarios. Ce qui arrivera, arrivera.»  

Mais il savait qu'il était toujours en train de se torturer. C'était humain. Le vampire s'arrêta de prêter attention à l'écran et regarda son calice avec un air désolé.

« ...Tu veux me parler de lui ? Ou bien... Est-ce que je peux te caresser ? Je n'ai aucune idée de si c'est approprié ou pas.  »  

codage par Tic Tac Frey

Heinrich craignait qu’en posant la question, il insulterait son invité. Il savait déjà qu’Aion était un lémure fier et il ignorait si lui proposer des caresses, comme à un simple animal le mettrait hors de lui. Il tenta sa chance, vu que c’était le seul réconfort qu’il pouvait lui apporter : son calice refusant la nourriture, et à ce stade le vampire était incapable de fournir des paroles réconfortantes. Aion le lynx se redressa et posa sa tête sur le canapé, près de ses genoux, l’invitant à le caresser. Il semblait désabusé, comme s’il en avait plus rien à faire.

Heinrich glissa ses doigts sur le haut de son crâne et les fit descendre jusqu’au cou. Il n’ira pas plus loin, c’était un bon début. Le docteur n’avait jamais caressé un lynx auparavant. Par principe il n’utilisa pas ses pouvoirs à ce moment là. C’était plus ou moins comme un gros sauf que les poils étaient plus épais. Moins doux mais pas dépourvu de douceur. Il esquissa un sourire. C’était quelque chose de nouveau, quelque chose d’original et d’une certaine façon… ça le rendait heureux. Ses doigts caressaient avec prudence ses longues oreilles surmontée d’une petite touffe de poil puis le grattait derrière l’oreille ou dans le cou. C’était agréable et cela semblait plaire à son calice.

C’était un de ces moments étranges, un moment d’intimité. Il caressait Winston comme ça aussi, mais ce n’était pas pareil. Même s’il avait son caractère, Winston était un chat. Il était censé aimer ce genre de chose. Mais au lémure qui pouvait aussi prendre forme humaine ? C’était différent. Et honnêtement c’était un niveau d’intimité qu’il n’avait pas atteint avec qui que ce soit depuis des années. ( A part Winston, mais c’est un chat et Aion se trouvait être largement plus proche de l’être humain ). Ses doigts caressaient la fourrure avec lenteur et prudence et le vampire se surprit à sourire et à le regarder avec tendresse alors que le lémure ronronnait et s’agitait pour tirer profit de ses caresses au maximum.

Pendant ces longues minutes, ils ne s’exprimèrent pas avec des mots, mais avec des gestes. Et là où les mots peuvent mentir, ce n’est pas le cas des gestes. Heinrich apprécia ce silence, ce moment. Mais il prit fin, trop tôt à son goût et il reprit son masque, posant ses mains sagement sur ses genoux.


« Il n’est pas encore mort, Aion.»    dit-il avec un regard désolé.

Il savait que c’était sa façon de se protéger. De se préparer au pire. Ou peut-être qu’il doutait simplement de ses chances de survie. Mais il devait garder à l’esprit que rien n’était encore joué : il y avait encore de la place pour l’espoir.  Apparemment son calice ne souhaitait pas s’étendre sur le sujet. Il ne voulait parler de lui. Henry aurait aimé en savoir plus mais préférait garder ses questions pour lui pour le moment. Il ne souhaitait pas ouvrir la plaie. De plus ils pourrait éventuellement consulter les souvenirs d’Aion à ce sujet.



«  Bien sûr que tu pourras venir ici. Et puis je devrais être capable de te trouver un logement si tu en as besoin. »    

Le vampire se doutait que le lémure aurait besoin de son indépendance si c’était le cas. Aussi, il pourrait difficilement expliquer le fait d’avoir un colocataire à long terme. Un patient en plus. Ca ne serait pas concevable. Mais s’il lui fallait quelques temps pour retomber sur ses pattes, il était prêt à le recevoir. Le vampire regarde de nouveau l’écran et change de chaîne, à la recherche d’un film ou d’un documentaire qui pourrait les intéresser tous les deux et éventuellement distraire Aion de sa tristesse.


« Tu es mon calice, tu sais. Je ne vais pas te laisser dormir dehors. Si tu as besoin de quoi que ce soit, tu me le demandes. C’est le deal. »    

Il lança un regard sérieux à son interlocuteur.


« Alors, de quoi as-tu besoin ? »    

codage par Tic Tac Frey

Heinrich n’avait pas l’habitude d’avoir un lémure pour calice. Les humains étaient plus simples. Ils obéissaient aux règles de leur société. Ils avaient des rêves, des espoirs, des désirs. Comparé à eux, Aion demandait peu d’entretien, il semblait insulté par le simple fait que son vampire puisse suggérer qu’il ait besoin d’aide. Et pourtant il venait de lui demander l’asile dans le cas où son père passerait l’arme à gauche. Contradictoire. Si ca avait été un humain à sa place, Heinrich aurait su quoi dire, quoi faire. L’humain se serait montré plein de gratitude ou de colère. L’un ou l’autre.  Le vampire perçoit la menace  à la vision des crocs de son calice. Tssss. Et ensuite le changement soudain d’attitude. C’est suspicieux.


« Bien sûr. C’est compréhensible.»    dit-il d’un ton neutre.

Qu’est-ce qui vient de se passer dans sa tête ? Leur lien est trop faible pour que le vampire soit capable de déchiffrer les changements d’humeur de son lémure. Et qu’est-ce qu’il voulait dire par “ votre société” ? Parlait-il de la société humaine ? Ca faisait au moins une vingtaine d’année qu’Aion devait être plongé là-dedans. S’il  n’était pas capable de s’adapter, il était voué à mourir. Dur mais vrai. Mais bien sûr que le vampire ne pouvait dire ça, donc il se contentait d’acquiescer avec politesse.

L’animal grimpa sur le canapé et quémanda des caresses. Le docteur s’y plia mais le coeur n’y était plus vraiment. Et encore moins quand son calice lui demanda d’expliquer le fonctionnement des vampires. Sa paranoïa et sa méfiance le poussait à penser que ce changement d’attitude ne se révélait être qu’une tentative de manipulation. Heinrich se doute que ce qu’il chercher à savoir c’est d’améliorer sa chasse  ou encore de trouver un moyen de se débarrasser de lui.


« Vraiment ? Je croyais que les chasseurs savaient tout de nous. »    dit-il d’un ton froid et méprisant.

Les caresses s’arrêtent.Le vampire n’est pas dupe.  Ces questions stupides l’énervent surtout quand il sait que le but est de satisfaire la curiosité de son calice à des fins pas très convenables.


«Qu’est ce que tu veux que je dise ? Nous naissons, nous vivons, nous mourrons. Voilà comment on fonctionne :  comme vous. La seule différence c’est notre espérance de vie et  notre régime. Et les calices bien sûr. Mais ça semble être une raison suffisante pour avoir envie de nous exterminer apparemment. »    

Le ton de sa voix n’était même pas agressif. Il était froid et hautain. Heinrich connaissait bien les tendances destructrices des siens. Mais ce n’était pas le cas de tout le monde, ce n’était pas son cas. Qu’est-ce qu’Aion pensait ? Qu’ils étaient tous des meurtriers ? Qu’il devait se baigner dans du sang d’enfant pour maintenir sa jeunesse ? Ou que je devais dormir dans un cercueil ?  Tsss. ll se demandait quelle genre de connerie on avait pu lui raconter.

  « Quant aux mordus, je ne pourrais pas t’en parler. D’où je viens c’est considéré comme une diablerie. Ce n’est ni quelque chose qu’on fait, ni quelque chose dont on parle. »    

Ce n’est pas faux, mais ce qu’il garde pour lui, c’est qu’il sait comment faire un mordus. Tout le monde le sait. Mais le vampire n’y voit qu’une diablerie, une création inachevée. Les mordus sont des misérables erreurs de la nature. Tout vampire qui se respecte ne doit pas en faire.


« Et vous les lémures, comment vous “fonctionnez” ?»    

Ce n’était pas une vraie question. C’était pour qu’il se rende compte de la stupidité de ses questions.

codage par Tic Tac Frey

Il comprend que le vampire n’est pas d’humeur à le caresser et donc le lémure se redresse sur le canapé.  A quoi s’attendait-il avec une question si vague, si intéressée, si insultante ? Comment vous fonctionnez. C’est quoi comme genre de question ? C’est assez révélateur de sa façon de penser de sa complète ignorance. Le pire fléau qui existe selon Heinrich. Chasseurs ignorants, petits pions au service de votre grand général...incapable de pensez par eux-mêmes. Des enfants. Des imbéciles. Et son calice en faisait partie. Ils venaient juste de passer un bon moment et voilà qu’il ruinait tout.  

Et contre toute attente, le lémure répond à son vampire. Trop stupide pour comprendre qu’il s’agit d’une question rhétorique. Alors là Heinrich est un peu surpris mais pas longtemps. Lui se faire passer pour un humain de façon réussie ? S’il pense que d’avoir l’air indifférent et insensible est une preuve d’humanité… Heinrich pourrait tout juste lui rire au nez. Il est si… amateur. Si peu expérimenté. Il en a eu la preuve aujourd’hui. Il n’a pas vraiment réagi comme un humain le devrait. Il n’était pas complètement à côté de la plaque mais il n’était pas dedans non plus. Mais il se retient. Il regarde l’écran avec un léger sourire moqueur au coin des lèvres.


« Vraiment ? Ca marche terriblement bien.»    

Imiter les humains avec cette apparence ? Ca n’avait aucun sens. S’il voulait se fondre dans la masse pourquoi adopter une apparence marginale ? Pourquoi adapter un comportement marginal. Il est seul. Après une vingtaine d’année d’existence il n’a personne à con côté quand son père adoptif se trouve entre la vie et la mort. Personne si ce n’est le vampire qu’il a rencontré quelques semaines.  C’est triste d’être aussi à côté de la plaque. Sur le même ton, il lui répond :


«C’est ce qu’ils t’ont dit ou c’est ce que tu te répètes pour te rassurer ? »  

Evidemment qu’il sera incapable de faire quoi que ce soit d’autre avec cette attitude. Soit on l’a entraîné, préparé à devenir un chasseur. De la chair à canon qui ne réfléchit pas, un bon petit soldat. Soit il a trop peur pour se lancer dans autre chose. Ca c’est bien un comportement d’humain. La fuite. Se chercher des excuses. 10/10 Aion. Le lémure lynx se lève pour monter à l’étage et éviter tout conflit. Ca lui demanderait probablement trop de réflexion. Mais qui sait, ça aurait pu être intéressant. Il aurait pu finir par adopter de vrais comportements humains. Mais soit.

Henry continue de regarder la télévision un instant même si ses doigts désirent de danser sur le piano. Mais ça ne serait pas approprié. Il ne souhaite pas réveiller son invité. Après un moment il se lève, avale une partie du sang d’Aion qu’il avait gardé au frigo depuis le dernier prélèvement et monte se coucher à son tour. Winston avait réussi à monter et ronflait paisiblement sur son lit. Le docteur lui accorda quelques tendres caresses avant de se mettre à l’aise et enfoncer ses écouteurs dans ses oreilles. S’il ne pouvait pas en jouer, il pouvait écouter un peu de musique. Le vampire s’allongea paisiblement et fini par s’endormir.

Ses paupières s’entrouvrirent le lendemain matin. Henry Miller éteignit son réveil et se rendit au bout du couloir pour prendre sa douche. Une fois préparé, il alla frapper à la porte du lémure.


«Aion, c’est l’heure de se lever si tu veux aller à l’hôpital. »  

Après avoir reçu une confirmation sonore, le vampire se rendit dans la cuisine pour nourrir son chat, le faire sortir et préparer le petit déjeuner de son invité. Il préparait du café aussi. C’était important. Pour l’haleine.

codage par Tic Tac Frey

Le docteur commençait à préparer un petit déjeuner, mécaniquement. Il connaissait les gestes par coeur, comme il connaissait les procédures opératoires. Il n’y avait pas d’affection, juste une successions de transformations physiques et chimique qui transformaient des ingrédients en un plat particulier. Le lémure finit par descendre les escaliers, sous forme humaine cette fois-ci. Le vampire réalisa qu’il avait opportunité de vérifier hier soir si les tatouages étaient également présents sous sa fourrure, sous forme de lynx.  C’est alors qu’il n’annonça qu’il n’avait pas faim. Vraiment ? Il n’avait pas manger depuis hier avant-hier peut-être. Il comptait vraiment se laisser aller à ce point ? Ce n’était pas en faisant la grève de la faim que son père irait mieux. Le vampire arrêta immédiatement ce qu’il était en train de faire.


« Très bien. »    

Sans le moindre signe d’animosité, il jeta l’intégralité de ce qu’il avait préparé dans la poubelle et rangea les ustensiles dans le lave-vaisselle. Il ne pouvait pas le forcer à avaler quoi que ce soit.  En tout cas pas encore, il faudrait attendre qu’il soit trop faible pour ça. Si ça devait en arriver là. En revanche, le vampire n’est pas sûr de ce qu’il veut dire par rester seul. Il souhaite rester ici donc ? Bah, il s’occuperait de ça plus tard.


« Aujourd’hui, ce n’est pas le prélèvement mais la morsure. Alors si ça ne te dérange pas, je te serai reconnaissant de prendre une douche.  »  

Des deux nuits que le lémure avait passé ici, il n’avait jamais pris la peine de faire un petit détour par la salle de bain. Un manque d’hygiène sans aucun doute -  est-ce que tous les chasseurs fonctionnaient comme ça ? Le mordre était suffisamment déplaisant, si c’était possible, Heinrich préférait de loin poser ses lèvres sur un peau propre.

codage par Tic Tac Frey

Le vampire ignorait les standards de propreté des lynx ou même des lémures, mais une chose était sûre, en terme de propreté humaine il y avait des efforts à faire. Un peu de savon ne pouvait pas lui faire de mal, surtout sous forme humaine. Et même les félins avaient besoin d’un petit coup de propre de temps en temps. Il arrivait à Winston de revenir les poils tachés de cambouis parce qu’il s’était planqué trop longtemps sous les voitures. Un petit coup de gant de toilette et il était comme neuf. Quoi qu’il en soit le lémure ne nie pas la suggestion et s’éclipse en direction de la salle de bain. Pas plus mal. Le vampire attendit patiemment, son regard vagabondant à travers la fenêtre alors qu’il buvait graduellement son café.

Le docteur sait qu’il y a quelque chose qui ne va pas chez Aion. En dehors de son père qui se trouve entre la vie et la mort. Pour une raison inconnue il n’a pas apprécié le petit conflit d’hier soir. Ah, l’arrogance, la fierté des hommes. Une parole de travers, une conséquence c’est tout ce qui leur faut. Mais Aion n’est pas vraiment un homme donc...Peu importe, il surmonterait ça.

Le calice tout propre et tout frais finit par s’avancer vers lui et lui tendre son cou. Quelle agressivité dans la proposition. Bon en même temps, il n’y avait pas de protocole nécessaire, pas besoin de faire des fioritures pour rien. Ce qui fit froncer les sourcils du vampire en revanche c’était ses paroles.

« Comme je l’ai dit, c’est la morsure aujourd’hui. Le prélèvement c’est pour dans trois jours. Mais pourquoi tant d’empressement. Tu as l’intention de partir en vacances ? »    

Le sang d’Aion devait être pauvre vu sa diète. Pauvre en nutriment. Et donc pas forcément nutritif pour un vampire. Alors si en plus il comptait prendre la poudre d’escampette, cela n’allait franchement pas fonctionner. Le vampire ne laissa pas paraître ses inquiétudes, ni encore moins le dessein qu’il venait d’élaborer. D’un ton courtois et conciliant il répondit simplement :

« Bien. J’en boirais plus alors.  »  

Ses crocs sortis pour l’occasion il les planta sans ménagement dans la chair de son calice. Il évita le cou - à cause du tatouage et préféra la jonction entre le cou et les deltoïdes. Peu importe l’état d’esprit d’Aion, il était son seul calice. Il ne pouvait pas se permettre de disparaître dans la nature pendant une semaine. Mais à cause de son caractère et de ce qui s’était passé hier, Heinrich se disait qu’il devait opter pour une méthode plus radicale, plus sournoise et surtout plus silencieuse. Le sang tiède glissa sur sa langue et dans sa gorge. Le vampire essayait toujours de faire en sorte que cela se passe vite. La morsure le dégoutait un peu. La chair surtout. En général ça existe certains vampires, la proximité, l’intimité, le baiser sur la chair. Lui ça lui rappelait juste des corps déchirés, ivoire et bleus. Des plaies sales, et la mécanique du corps humain. Avec les années, le sang-rouge était largement capable d’évaluer la quantité de sang qu’il avalait. Il était aussi capable de calculer rapidement ce qu’il restait. D’habitude il ponctionnait un peu plus d’un demi litre. Aion vu sa taille et son poids devait avoir à peu près 6 litres de sang dans le corps. 6 litres de sang considérablement appauvri. Il se sentait au goût fade. Mais cette fois-ci le vampire ne s’arrêta pas à un demi litre. Il continua jusqu’à le laisser quelques centilitres au dessus de la limite dangereuse. Son sang déjà appauvri ne parviendrait pas à faire tenir son corps très longtemps.Ca ne le tuerait pas. Une transfusion et ça repart. Mais ça lui laisserait suffisamment de temps pour l’empêcher de partir et altérer ses souvenirs. Et puis il devait comprendre les conséquences de ses actes. Henry se força à avaler le sang, bien plus qu’il n’en avait l’habitude. Mais tant que ses crocs étaient enfoncés dans la chair de son calice, il ne pouvait pas riposter. Il détestait ça. Vraiment.

Au bout d’un long moment il ôta enfin ses crocs de son calice, lécha abondamment la plaie. Il le sentait déjà. Les lèvres décolorées, les battements de coeurs rapides et désorganisés qui tentaient de pallier le manque de sang en pompant plus vite. La peau plus pâle…Maintenant il suffisait d’attendre un peu.

Le docteur prit le temps de s’essuyer la bouche et de faire passer ça avec une autre tasse de café pour teinter son haleine.

« Prêt à partir ? »  

codage par Tic Tac Frey