Goodbye my father

goodbye my friend

Jimminy et Heimdallr s'étaient battus avec force et bravoure, peut-être même qu'ils s'étaient battus plus qu'aucun autre hôte ne l'avait jamais fait. Ils avaient tenus vingt longues années. Ils avaient rêvé d'une vie meilleure, rêvé d'être aimé, d'avoir une famille, de construire quelque chose de durable, que quelqu'un se souvienne d'eux à la fin. Ils l'ont su, dès que la faille dans leur équilibre spirituel s'est agrandie, que la fin était moins loin qu'espéré. Jimminy aurait voulu de toutes ses forces qu'un de ses rêves l'emporte et de trouver un vrai amour, une vraie maison, de rendre encore des milliers d'enfants heureux pendants des années et de mourir vieux au milieu des jouets en sachant que sa boutique ne mourrait pas avec lui. Heimdallr lui espérait pouvoir enfin un jour se faire pardonner de Loki et retrouver l'enfant perdu, le retaper, il espérait pouvoir aller boire un verre comme au bon vieux temps, aller dire ses quatre vérités à Odin et le pardonner parce que l'amitié est tout pour lui, il rêvait de vivre sa propre vie encore et encore.
C'est fini, il est tard ce soir, assez tard pour que Froënbourg dorme sous ses neiges éternelles, assez tard pour que la Lune darde sa lumière irréelle autour du corps de Jimminy.
Il a les yeux fermés et le visage sans expression, figé. Sous son crâne toutes les tempêtes sont passées, Heimdallr a fini de crier il y a des heures déjà et aucun des deux n'a encore de voix. Le silence prend leur place de secondes en secondes il avance sans fracas comme le ferait une flaque d'eau. Ou de sang.
Le corps est paralysé mais aucun des deux ne saurait dire depuis quand. La faille dévore les souvenirs comme elle a dévoré Jimminy, ils n'ont pas pu se parler et tous els non-dits entre eux, les disputes non-voulues et les regrets inavoués, tout ça reste suspendu dans le silence qui s'étend sans arrêt, sans volonté comme ça il s'étale et repeint tout ce qu'a pu être un jour Jimminy Rigg. Cet enfant-dieu qui n'a jamais su les limites de son humanité. Un enfant traumatisé de la chaleur du sable au bras de bois et au cœur en chimères. Un dieu trop vieux pour vivre heureux, marqué par la guerre et ses propres trahisons.
Il y avait beaucoup de dilemmes et de discordances entre Jimminy et Rigg. Entre l'enfant qui n'a pas su grandir et le dieu qui n'a pas su découvrir la véritable humanité. Ils ont touché du doigt leur but à de nombreuses reprises sans jamais l'atteindre et de cette frustration naquit des milliers de souhaits silencieux, ces mêmes souhaits, ces mêmes aspirations qui les ont tué.
Parce que ce soir, ce soir oui tard ce soir c'est bien de cela qu'il s'agit de la mort du dieu et de l'enfant, de l'enfant-dieu qui meurt. Ils meurent parce que ratés, ils meurent parce que déchirés. Ils meurent parce que pas de la même race, pas fait du même bois. Le dieu était trop grand, il a vu trop de guerre et de mondes pour un si petit humain. Un corps humain ne peut supporter deux âmes, ils ne sont pas fait en ce but, les expériences déshumanisantes conduisent à la ruine leur avenir.
Ce soir, il est déjà trop tard. Presque trente ans c'est une petite vie, une vie de pas grand chose, de presque rien. Une vie d'humain faite de petits riens.
De rêves pas dévoilés, de sourires timides, de guerres sentimentales, de jours ensoleillés passés à regarder par la fenêtre, des jours de pluie où l'on danse, des jours sans et des jours avec, le temps qui passe tout simplement entre glaces à la fraise et lasagnes avec toute la joie du monde contenue dans chaque cœur et toutes les douleurs cachées, malaxées au fond des âmes paradant sous les sourires trop creux et les yeux brillants.
Jimminy Rigg a aimé sa vie même moche, même pas belle du tout, même très solitaire, même si tous ses rêves crèvent comme des chiens avec lui et que personne ne se souviendra jamais de Jimminy Rigg le créateur de jouet, l'homme à la main de bois. Même si sa boutique fermera dès demain et que personne ne les pleurera.
Il a vécu.
Il a vu un jour le lever du soleil et la lune rousse. Il a connu la joie d'un petit garçon sur la glace, des cours d'escrime, la corde tendue d'une conversation avec un vampire, la main tendue et le miracle sauvant ses jours pour quelques temps encore. La découverte d'un monde oublié, les complots, l'amitié du pire dieu d'Asgard et de son hôte, ils ont connu des gens, ils ont connus des événements. Ils n'étaient pas les grands protagonistes, ils ne finiront pas en statue sur la Place du Héros pourtant, avec un peu de chance et de cœur, des enfants écouteront leur parents dire qu'un jour, ici, il y avait eu un homme qui a consacré sa vie à leur offrir les plus beaux jouets du monde.
C'est amplement suffisant pour l'enfant-dieu.
Le silence est partout maintenant.
Au revoir Jimminy Rigg et bon voyage.
Dis-nous si le Walhalla existe ou plutôt dis-nous s'il y a vraiment eu, il y a des temps et des temps de cela, la forêt d'elfes de Freyr, le château en nougat d'Odin, l'observatoire arc-en-ciel d'Heimdallr en haut de la montagne et la garderie d'enfant de Loki et Sigyn. Dis-nous tout ça et raconte-nous encore la fois où tu as bien failli laisser ta peau à la patinoire ou si ton dessin de la statue du Héros était réussi. Raconte-nous ta première réussite culinaire, tes peurs les plus bêtes et tout ce qui as fait de toi l'humain.
Raconte-nous parce que nous aimons les histoires.
Dis-nous parce que les histoires de toi c'est tout ce qu'il reste à la fin.

Il est tard, si tard sur Froënbourg, la nuit se reflète sur la neige et dans les flaques. Il est déjà tard, déjà si tard, le soleil ne se lèvera pas demain matin dans ton monde. Tous les souvenirs sont devenus silence, il a même envahi ton souffle, atteint tes yeux, toutes les lumières que tu avais il les a éteintes avec délicatesse. Ce fut doux, à ton image ou à l'inverse peut-être, sans violence, sans capharnaüm. Tu étais unique comme personne. Adieu Jimminy Rigg.
L'histoire est finie.