Il était une fois une petite fille qui n'avait que pour père spirituel un lamentable vampire qui ne l'aimait guère que pour ses compétences expérimentales en tant que créature d'un être complètement loufoque qui tenait cet homme entre ses... tentacules...?

Un pétale rose pâle s'échoue avec lenteur à ses pieds, suivi d'un autre, et un soupir éloigne le dernier de sa trajectoire prédéfinie pour rejoindre un courant plus fort qui l'emmènera vers des aventures insoupçonnées. Elle repense à son enfance, ou plutôt son adolescence, lorsqu'elle fut séparé du monde ordinaire pour être surveillée au laboratoire où elle avait appris ses origines. De ce jour, ce fut Liam qui était devenu son responsable, son père, quoi, sur papier. Seulement sur papier, parce que n'allez pas imaginer deux secondes que la jeune femme garçon manquée ait pu prendre modèle sur cet androgyne aux allures louches, bien au contraire. C'était peut-être de là qu'elle avait dû mal à accepter sa féminité, allez savoir.

Et aujourd'hui, il l'a convoquait. Pourquoi ? Elle n'en savait rien, mais elle s'en foutait. C'était dans ses moments-là où l'adolescente capricieuse qui l'habitait encore parfois prenait le dessus. De un, elle était loin du lieu de rendez-vous, elle était parti en chasse d'une divinité, elle avait fait chou blanc d'ailleurs, sans doute perturbé par ce rendez-vous qui l'énervait au plus haut point. De deux, elle n'avait pas franchement envie de revoir sa face de dragqueen. Et de trois, c'était pas son père.

Elle avouait prendre son temps pour rentrer au laboratoire, recevant des injections comme quoi l'assistant de Mad n'aimait pas attendre. Mais... comment dire... elle s'en contrefichait comme de l'an 40. Elle traversait les couloirs, faisait des coucou aux personnes qu'elle appréciait avant de rebrousser chemin et reprendre la direction du bureau redouté. Et bien sûr, après tant d'attente, il n'y était pas. Ohoh, monsieur joue à cache-cache. La jeune fille soupire et passe une main dans ses cheveux avec un sourire de victoire sur les lèvres pour finalement reprendre ses vieilles habitudes et rejoindre le dragon dans son laboratoire privé.

L'accueil fut aussi chaleureux que prévu, elle entra sans frapper dans la pièce, alors qu'une odeur nauséabonde, entre le cadavre et le fébrèze qui essayait de camoufler ça, envahit ses narines. Elle n'exprima cependant pas son incommodité et haussa les épaules pour lui répondre d'un ton ironique :

" Oui "Papa". Mais si tu consultais mon emploi du temps, tu te serais sans doute aperçu que je n'étais pas disponible. "

Elle s'avance sans le regarder, les yeux plutôt fixés sur la table d'opération, mais s'arrêta net sur son ordre, bien que ce ne soit pas par plaisir qu'elle obéit, mais plutôt, puisqu'elle le connaissait, elle savait de quoi il en retournait. Cependant, elle se mit à le regarder avec méfiance, se demandant ce qu'il trafiquait encore.

Mais elle n'eut pas le temps de l'interroger qu'elle fut coupée dans son élan pour tomber sur le cul devant une telle question.

" L'explosion... ? Non, je vois pas ce que j'y aurais foutu. Pourquoi ? "

Impudente, elle s'assoit sur le siège face au bureau et pose ses pieds dessus en se regardant les ongles d'un air nonchalant, non sans continuer à jouer les effrontés :

" Tu vas pas me faire croire que tu m'as convoquée juste pour savoir ça, quand même... Et qu'est-ce que tu mijotes encore, hein ? "

Bien sûr qu'elle connaît sa position et qu'elle en profite, mais bien plus que ça, elle se méfiait du vampire comme de la peste, même si elle était régulièrement étonnée de ce qu'il pouvait faire pour lui filer un coup de main - bien qu'elle soupçonnait surtout que c'était pas pour elle qu'il le faisait mais pour éviter de se faire réprimander si Noa échouait dans ses missions, des trucs dans le genre.

Un mouvement de tête en direction de l'homme allongé exprima sa question clairement, mais elle se sentait obligée de la souligner par la parole :

" Et lui ? C'est qui ? Tu vas lui faire quoi ? "

Ce n'était pas tant de la curiosité, mais de la méfiance.

Elle baille d'un air totalement désintéressé, se disant simplement que si tout le monde pouvait avoir plus de deux bras, le monde s'en porterait mieux, mais elle n'eut pour toute réponse qu'un insolent :

" Navrée, j'ai pas le don de me téléporter ou de me cloner. Je ne te savais pas si impatient de me voir. "

Ajoute-t-elle en se tournant sur le siège, ses bras croisés sur le dossier le menton posé dessus en le scrutant avec un petit sourire sarcastique.

En revanche il lui déplaisait qu'il ne lui dévoile pas tout. Pourquoi est-ce que c'était si urgent de se rencontrer alors qu'un simple coup de fil aurait suffi pour poser cette question anodine ? Si c'était pour la faire taire, cela la faisait réagir, et elle gonfla ses joues comme une gamine qu'on venait de priver de sortie. Elle se réinstalla correctement dans son fauteuil, en lui tournant le dos, les bras croisés.

" T'aurais pu simplement m'appeler plutôt que de m'infliger ta mauvaise humeur. "

Au moins, elle était sincère et ne se cachait pas de ses sentiments envers lui par des faux-semblants ou de l'ironie permanente. Fille de la Guerrière, elle attaquait de front, jamais de coups bas.

Se réintéressant à ce que le Rose était en train de trafiquer, elle se mit à genoux sur son siège, appuyée sur le dossier, le visage à moitié caché derrière le meuble, en train de scruter curieusement. Mais en voyant la victime réagir aux expériences, elle eut un frisson d'horreur, qui ne s'arrangea pas à la vue de la seringue. Et lorsqu'il lui dévoila son identité, elle imaginait très bien être à sa place ici un jour, ou son "frère" ? Elle demanda alors d'une voix blanche, les yeux ne sachant pas se détourner de l'homme agonisant :

" Que lui est-il arrivé... ? Est-ce que... c'est ce que vous réservez aussi à... Eden ? "

Elle savait qu'il avait fui, puisqu'on lui avait posé tant de questions sur son sujet, mais même s'il s'agissait de son jumeau, elle ne connaissait pas plus Eden qu'un étranger qu'elle aurait croisé deux ou trois fois dans ces couloirs, bien qu'il existe un lien profond entre eux deux, une sorte de compréhension intuitive entre eux.

N'arrivant pas à se détourner du sujet n°748, elle ne répondit pas à la question première de son "père adoptif sur papier", le sang glacé par ses réactions, ses cris étouffés, mais elle réussit à s'en détacher alors que Liam l'y obligeait en croisant son regard, captant enfin ce qu'il lui disait. Le problème, c'est qu'elle prit ses paroles comme une provocation, et réagit au quart de tour, essayant de reprendre ses esprits.

" Le...? Que veux-tu que j'y traîne là-bas ? je vais là où on m'envoie, tu le sais ! "

Et moins elle trainait dans les laboratoires, mieux elle se portait, donc elle n'y serait allée sous aucun prétexte. En revanche son insistance pour qu'elle n'y aille pas lui paraissait bien louche et du coup, elle remettait en question son dégoût de visiter les débris... Si il ne veut pas qu'elle y aille, c'est qu'il lui cache des trucs, et donc...

Minaudant un peu, elle interrogea en sachant clairement qu'elle sous-entendait s'y intéresser à l'avenir, surtout s'il ne lui répondait rien, ou des mensonges. De toute façon, rien que pour le fun, elle vérifierait ses dires :

" T'es trop insistant... Pourquoi tu veux pas que j'y aille... ? T'as peur que je tombe sur des dossiers secrets... ? "

Dans sa voix, on pouvait percer une espèce de mélodie, comme essayant de le faire chanter. Mais il s'agissait de Liam, le Dragon de Mad, elle savait qu'il ne dirait rien. Mais elle ne voulait pas vraiment répondre à ses questions personnelles non plus, aussi elle se permettait de recentrer le sujet tant qu'il n'arrêterait pas de s'esquiver.

" Je suis pas venu pour parler de ma vie privée. Et niveau idées farfelues, je vois pas quel genre pourrait battre celles de ton patron... "

Elle pouffe de rire et le défie du regard, en récitant sa leçon, comme une enfant aurait appris son poème par coeur pour le réciter devant ses parents :

" Je le jure, j'aurais répondu gentiment pour écouter ta voix enchanteresse me dicter ma conduite. Mais je ne t'assure pas que j'aurais pas raccrocher. Mais au pire, t'aurais pu me laisser un message sur le répondeur, si j'avais été dans l'impossibilité de répondre. "

C'étaient des choses qui arrivaient, on ne pouvait rien y faire et c'était inutile de le reprocher. Elle savait pertinemment que lorsqu'il appelait, ce n'était pas juste pour parler du beau temps et des températures froides, mais bien pour des choses importantes, alors même si elle y mettait de la mauvaise volonté, elle savait que c'était réciproque et Liam ne l'aurait donc pas appeler pour rien.

Elle écouta ses jérémiades à propos du laboratoire, fronçant les sourcils au fur et à mesure du récit, puis finalement, elle lui tourna de nouveau le dos d'un air boudeur et attrapa la pomme pour croquer dedans à pleines dents, lui donnant une raison de ne pas répondre - on ne parle pas la bouche pleine - et couper court à la discussion. Cela ne l'empêchera pas d'aller y jeter un coup d'oeil discrètement une prochaine fois, ce n'était pas comme si elle avait peur de ce vampire, même si la menace de se retrouver sur la table d'opération lui inspira un frisson le long de la colonne vertébrale.

Pour une fois, elle obéit au dragon, se levant pour disparaître de sa vue, souffler un peu et reprendre son souffle avant la confrontation suivante, même si cela coûtait de courber l'échine. Se retrouvant enfin seule dans la réserve, elle frappa un coup de poing contre le mur, se faisant évidemment mal - elle n'est pas surhumaine - et se mordant la lèvre en serrant son poing endolori et éraflé contre elle d'un air douloureux, mais sans se plaindre. Elle grogne des insultes en direction du vampire en ouvrant le réfrigérateur et attrapant la poche qui la dégoutait.

A peine était-elle revenu dans la pièce qu'elle se faisait embarquer par son père dans une autre pièce, une pièce qu'elle connaissait bien, surtout après y avoir passé pas mal de temps plus jeune. Elle resta coi, debout planté en l'observant et lui tendant la poche d'un air suspect, non convaincue pour lui répondre à ses questions qui devenaient vraiment trop insistantes.

" Ah ouais, c'est ça ? De un, tu seras pas le grand père de mes enfants, même si je voulais en avoir, et de deux... "

Elle s'apprêtait à dire qu'elle ne s'intéressait pas aux relations, ni avec des mecs, ni avec des filles, mais une idée mauvaise germa, un sourire machiavélique s'esquissa avec lenteur sur ses lèvres, comme si on s'attendait à voir une queue de diable et des cornes sous ses cheveux... La voix minaudante, elle se laissa aller à s'appuyer contre le dossier du canapé où il était assis, dans son dos, et le taquina :

" Tiens, j'y pense... Je crois que j'ai pas eu mes règles ce mois-ci... Je devrais peut-être en parler à mon petit copain... "

La fille de la déesse de la Sagesse n'était pas si sage que ça... Mensonges... Elle aimait bien se jouer de Liam, juste pour tester...

Elle s'attendait à tout sauf à cette réaction. Ne bronchant pas lorsqu'il vint la prendre par le menton, elle le fixait limite d'un air mauvais, mais en revanche, elle fut surprise de l'entendre se lamenter de la sorte sur l'avenir de l'enfant, le sien et de la possibilité que Mad vienne y foutre son nez. Serrant le poing et les dents, elle fronça les sourcils et se défendit :

" Si mon frère a réussi à s'enfuir, il n'y a pas de raison que je n'y arrive pas, si le cas est échéant. Je n'ai pas peur de Mad, et que je sache, je n'ai jamais signé un contrat pour avoir cette vie. Donc je vous dois rien du tout, à toi ou à Mad. "

Bornée jusqu'au bout, elle n'était pas prête à se laisser faire ou laisser son enfant, si un jour il arrivait l'heureux évènement, entre les mains d'un scientifique pour des expériences douteuses. Elle regrettait subitement d'avoir dit une telles choses, rien que pour la colère ressentie envers Mad, qui se jouait encore de ses expériences, ne respectant pas la vie d'autrui.

Elle était au bord des larmes, rien qu'à imaginer un nourrisson en train de subir ce que venait de faire Liam, un frisson lui traversa l'échine, mais elle se figea lorsqu'il montra une faiblesse et des sous-entendus qu'elle ne voulait pas croire venant de lui. Elle le fixa, éberluée, n'étant pas sûre de comprendre ce qu'il venait de dire.

" Attends... Tu sous-entend que... tu nous aiderais ? Toi ?! Le bras droit de Mad ?! Laisse-moi rire ! "

Mais elle ne riait pas du tout, en voyant le sérieux qu'il affichait sur son visage, ça la faisait plutôt pâlir, se rendant compte qu'elle ne connaissait finalement rien de lui. Pourquoi réagissait-il de la sorte avec elle ? Pourquoi se montrait-il si protecteur, malgré le fait qu'elle lui en faisait voir de toutes les couleurs ? Et là... il n'y avait pas d'histoire d'appât du gain, non, c'était autre chose... Quelque chose qu'elle n'aurait jamais admis si elle ne le voyait pas dans son regard à cet instant.

Son poing se serra de nouveau, les lèvres avec, et elle reprit contenance, avant de rétorquer comme une mauvaise blague, pour toute réponse, peu fière finalement de sa blague :

" J'te fais marcher. Je suis pas enceinte, j'ai pas d'homme dans ma vie, ça m'intéresse pas. Par contre, j'aurais jamais cru que tu serais capable de trahir ton maître pour me sauver la mise. A moins que ce soit autre chose. "

Elle lui rendit son sourire cruel et répondit d'une voix doucereuse :

" En même temps, tu cherches un peu à ce qu'on t'en veuille, nan ? T'as pas envie qu'on s'attache à toi, c'est ça ? Au cas où l'un de nous se retrouverait sur ta foutue table d'opération, je me trompe ? "

Touché ou plouf ?

Sa menace ne l'atteignit pas, elle n'était pas stupide au point de sous-estimer Liam et Mad, après tout peut-être que même son discours était calculé pour savoir ce qu'elle serait tenté de faire dans le pire des cas, et ça, elle ne l'avait pas omis. Elle lui rendit son regard sans ciller, pas froid aux yeux la petite de mettre au défi l'assistant de Mad.

Puis le discours s'envenimait bien trop à son goût, elle préféra mettre un terme à sa blague plutôt que d'écouter sa litanie qui ne menait à rien. Cependant, sur sa réponse, elle avait envie de jouer du violon et en imita les mouvements en remuant un invisible archer sur l'instrument inexistant posé contre son épaule, imitant une symphonie de tristesse tant elle voulait se sentir concerné par ce qu'il disait. Mais le connaissant tel qu'elle le connaissait, elle n'arrivait pas à en croire un mot : que ce vampire au coeur de pierre soit capable de penser à de tels sentiments, les envier presque la faisait presque rire, mais elle préférait user de l'ironie.

" T'as qu'à te barrer d'ici, si ça te convient pas. Toi qui es si ingénieux pour réussir à me faire m'échapper si tu le  voulais, pourquoi ne pas l'appliquer pour toi-même ? "

Il devait se complaire dans son luxe, faire la basse besogne en échange d'une luxure dont elle ignorait tout et elle ne voulait rien en connaître. Elle était quasiment sûre que si elle en apprenait plus sur son compte, elle serait dégoûtée. Mais maintenant, elle commençait à s'impatienter, et elle avait autre chose à faire que d'écouter les racontards d'un vieillard qui semblait perdre la tête et regretter.

" Bon, si t'as rien d'autre à me raconter, pourquoi tu me retiens ? Je suis une grande fille, maintenant, t'as pas besoin de m'appeler à tout bout de champ pour savoir si je fais rien de dangereux. Si tu faisais plus attention, tu saurais que je suis la fille d'Athéna et pas la dernière des dégénérés... "

Bien que le côté humain ressorte par instant avec cette curiosité insatiable de vouloir faire des bêtises et surtout aller à l'encontre des ordres... Elle s'apprêtait donc à sortir de la pièce, mais s'attendait surtout à ce que le vampire la retienne pour la menacer encore, comme il aimait si bien le faire.

A force de le côtoyer, elle avait appris à le connaitre, même si elle ne voulait rien avoir affaire avec lui, elle savait qu'il faisait tout son possible pour rendre sa vie plus compliquée et elle ne pouvait avoir confiance en sa langue de vipère. Elle ne se retourna pas, encaissa simplement ses doutes sur sa naissance. Elle s'en moquait bien de tout cela, car en effet, Athéna était avant tout un prétexte, puisqu'elle n'avait jamais été présente pour elle. Pouvait-elle simplement la considérer comme une mère alors qu'elle ne l'avait jamais vu, ni éduquée, ni rien ? Elle portait peut-être ses gênes, on est jamais sûr, elle pouvait en être fière, mais de toute façon, ses dons en disait long sur son origines et il ne pouvait tout remettre en question par simple caprice.

Cependant, de lui mentir si ouvertement la rendait folle. Elle serra le poing pour ne pas le satisfaire en montrant que ses paroles l'ont touché, elle ne veut pas rester une minute de plus ici, en sa présence. Mais son orgueil la pousse à répondre néanmoins à l'attaque. Elle se tourne légèrement et esquisse un sourire sournois :

" Ca doit sans doute venir du géniteur... Ou alors de l'éducation de mon "très cher père" justement. Le mensonge ne s'acquiert pas à la naissance... "

Dernières paroles, gratuites et bien pesées, elle s'esquive de la pièce sans d'autres termes, bien que les dernières paroles du vampire lui reste en mémoire, comme une note pour elle-même. Ca c'est sûr que si elle a besoin de bâtons dans les roues, elle pouvait lui faire confiance, mais le jour où elle sera vraiment dans la merde, démontrera-t-il vraiment qu'il est un homme sur qui compter ? Ce sera à lui de le prouver à ce moment-là. En attendant, elle n'avait pas besoin de lui, alors pourquoi s'emmerder à côtoyer un mec si peu avenant et sournois ? Elle allait se faire des cheveux blancs avant l'heure.