Quel calvaire, quelle prise de tête. Je ne fais que râle, me plaindre depuis que je suis ici. Je me devais pourtant de le faire, d'agir en bon fils. Voilà déjà des mois que je ne suis plus venu ici, dans cette ville qui m'a vu naître, dans cette ville comportant mon paternel. Je traîne les pieds en direction du domicile familial, comme si de rien était je pénètre à l'intérieur puis salue ceux qui représentent je le crains plus grand chose aujourd'hui. Diable, si elle m'entendait, une belle gifle aurait fusée sur mon visage. L'idée toute en entière me décroche un sourire tandis que je pose mes affaire dans ce qui était ma chambre. Puis je me déplace, les mains en poches je rôde pour finir face à la fenêtre. De là, j'observe la neige tomber, cette vaste étendue blanche fouler le sol de toute sa splendeur. Elle me manque, ce climat me semble si lointain et pourtant si proche. Aah, voilà que je deviens philosophique. Un soupir s'échappe de mes lèvres puis je pose mon fessier sur le lit peu confortable.

Que faire pour passer le temps ? Cette vie n'est plus la mienne, je ne suis qu'une âme en peine une fois revenu ici et ce, même si l'environnement me semble bien plus favorable. A moins que, oui, lui. Il est la seule chose me donnant envie de refaire un pas dans cette région. Je me redresse alors, replaçant mes lunettes de mon index. Go. Sans plus attendre, j'attrape ma veste au col de fourrure sur le porte manteau de l'entrée, quittant les lieux en compagnie d'un simple « à plus tard ». Le froid est intense, pesant, offrant une couleur rougeâtre au bout de mon nez ainsi qu'à mes joues. Grr, je me frotte les mains tout en atteignant enfin l'hôpital, mon objectif. Il était temps, à cinq minutes près je me rendais dans ce vaste bâtiment en tant que patient et non comme visiteur. Ironie.

En compagnie d'un soupir en longueur me voilà l'intérieur que j'accompagne d'un bref geste du revers de la main dans ma chevelure, faisant chuter une belle pellicule blanchâtre, aussi froide que la glace. Bien que l'odeur d'un lieu comme celui-ci me révulse au plus haut point, je préfère me contenter de me satisfaire de la chaleur ambiante qui ne peut que me faire du bien. Mais je ne m'attarde pas, je ne suis pas là pour cela et ma patience à tendance à ne jamais être très imposante. La tête incliné vers les panneaux indiquant les emplacements des différents professionnels, je conserve mon regard dessus afin de dénicher le pourquoi de ma venue ici. Des infirmière, je m'annonce, elles ne mettent pas plus de temps à me montrer la porte, celle dissimulant cet homme, cet individu. Je frappe et me voilà me prendre la parole à sa vision. « Tu laisses tout le monde entrer ainsi ? Plus simple pour moi de te rejoindre au moins. » dis-je en plaçant mes mains dans mes poches tout en approchant. Enfin, presque. Je place mon attention sur le cadavre devant lui. « Je te dérange peut-être ? » Aucun dégoût cependant, juste de l'étonnement. 

Enfin je le revois, lui et son allure si particulière, cette manière de parler peu habituelle. Toujours il m'a fasciné, il a toujours attiré mon attention pour des raisons que je ne peux expliquer avec aisance. Même sous l'influence de substances illicites, je savais qu'il n'était pas un homme lambda. Je peux à nouveau poser mon regard sur lui, je me permets un petit sourire, en coin comme pour traduire mon sentiment ressenti face à ces retrouvailles. Lui, il reste fidèle à lui-même, concentré sur son travail qu'il semble tant chérir. Je finis par m'approcher un peu, plaçant mes mains, l'une après l'autre en poches. Un brin nonchalant je m'interrompt à une petite distance de lui. De toute évidence, l'étonnement est sur le moment plus imposant que sa joie de me voir. Lilian a beau essayer ou non de le dissimuler, je ne peux que le constater. Au final une telle scène me pousse à accentuer mon rictus, un peu. Tandis qu'il cache le corps,e me permets un ricanement. « C'est une bonne nouvelle, je vais pouvoir prendre un peu, ou même beaucoup de ton temps sans avoir à me sentir coupable de quoique ce soit. »

Respectant son espace vital pendant son travail, mes pas ne se poursuivent pas, je reste finalement là, à ne plus bouger tout en ne quittant pas du regard celui que je souhaitais tant voir. Puis un soupir. Long. « Oui, quelques temps. Je m'excuse d'ailleurs, j'ai un peu disparu sans prendre la peine de ne prévenir qui que ce soit. Je ne me sens pas coupable pour la majorité des gens mais toi, tu es une exception. » Une petite rotation du corps, j'observe la pièce tout en tournant une unique fois sur moi-même. « Et oui, Terraria est mon nouveau domicile, j'avais besoin de prendre l'air. » Sans mauvais jeu de mot, cela va de soit. « Je suis serveur là-bas, comme d'habitude, rien de bien glorieux comme tu le vois. J'ai au moins le mérite de ne pas être dépaysé. » Un haussement d'épaules, frêle, surgit au niveau de mon buste. A nouveau, je ne me déplace pas mais lui, il finit par s'approcher un peu tout en arborant enfin un sourire qui ne m'incite qu'à moi aussi lui en offrir un léger, peu palpable. « La raison de ma visite ? Voyons. » J'ôte ma main droite de ma poche pour le pointer du doigt. « C'est toi. Enfin. Mon père me prenait la tête pour que je reviennes mais une fois arrivé ici, je n'ai fait que penser à revenir te voir. Et toi ? Tu ne sembles pas avoir changé du tout et ce, sur tous les points.  » Mon regard ne quitte pas le siens. Non, jamais. Pas une seconde.  

Parler et toujours parler. Encore et encore. Je ne peux m'en empêcher, d'une manière incontrôlable. Mes réponses sont construites, peu simples. Dans la plupart, pour ne pas dire toutes, je prends la peine de tout expliquer, d'aborder des points non demandés par mon interlocuteur. Même pire, j'use de propos à son égard que je n'aurais jamais cru aptes à quitter ma bouche, à se faire entendre par ma voix. Ne plus le voir a probablement délié ma langue sur le sujet car je ne regrette point, pas du tout même. Moi, Jadhen qui aime tant me contenter d'observer les événements sans prendre la peine d'agir, voilà que je me laisse aller, pour une fois. Après tout ce n'est pas plus mal, cette pensée ne cesse de m'assaillir. Le regard que j'use afin de l'observer ne le quitte pas, pas une seconde, surtout pas. Une fois pointé du doigt, mon bras retombe le long de mon corps. Un petit et bref instant et le voilà en compagnie de l'autre croisés au niveau de mon buste. Je reste droit néanmoins, sans sourciller malgré ce faible rictus qui ne quitte pas mon faciès, mon expression de l'instant. Sans commenter je le laisse parler, me répondre.

Mais quelque chose me chagrine, ne passe pas inaperçue. Je ne sais dire quoi mais la manière de s'interrompre de mon vis à vis, cette façon d'aborder le sujet actuel de la conversation. Dissimulerait-il quelque chose ? Dans de petits pas je finis par m'approcher de lui, faisant mine de l'observer de plus près encore, par curiosité. Ou alors, pour le déconcentrer un peu, le forcer à m'en dire d'avantage. Qui ne tente rien n'a rien au final. « Ravi d'entendre que tu es tout aussi ravi que moi de te revoir. Mais, tu ne sembles pas dans ton assiettes, enfin, sur ce sujet. » Le sourcil droit de mon visage se hisse un peu puis beaucoup, me donnant cet air parfois agaçant, comme si tout mon être ne comprenait pas la situation. Un mouvement de l'index afin de replacer mes lunettes et me revoilà en scène. « Tu as peut-être envie d'en parler, de me dire le pourquoi du comment Lilian ? Ton soupir en dit long tu sais. » Aah, que je déteste ne pas savoir, ne pas comprendre et ce, d'autant plus pour un être comme lui. Un garçon que j'affectionne tant. Que peut-il bien vivre ? « Je t'écoute. » 

Je suis inquiet, vraiment. Je n'aime guère me retrouver dans cette situation, frappé par de tels sentiments que je m'efforce de trouver faibles et pourtant, c'est bien le cas. Cette vision, celle de son allure, ses propos, il me cache quelque chose, un fait pau agréable pour lui, c'est certain. Que dire, que faire afin de faciliter la situation ? Pour le moment, suite à ma prise de parole, ma question je reste silencieux. Aucun propos ne quitte ma bouche, je reste là à attendre une quelconque réaction de sa part. Puis soudainement, il libère un rire nerveux susceptible d'en dire long sur la réalité. Moi, je le regarde d'autant plus, mon sourcil reste hissé suite à son initiative. Il ne manquerait plus que, et oui, voilà à nouveau qu'un soupir se fait entendre. A mon tour à présent, je m'approche d'avantage de lui tout en plaçant mon autour de sa nuque, me retrouvant à sa droite. Je ne veux pas qu'il me pense trop entreprenant, je n'aime guère ce genre d'action. Mais je dois lui remonter le moral. Un peu et même beaucoup j'espère. Je dois me montrer agréable et même compréhensif. Cette pensée ne me quitte pas, pas une seconde je l'assure.

Enfin il aborde le sujet, annonçant une réponse pleine de mystère, de points que je ne maîtrise pas, que je cherche à cerner. La peur de ne pas être accepté, d'être pris pour un monstre, je la ressens sans aucun mal. Le regard en coin afin de l'observer, je ne peux que le comprendre sans aucun mal. Mais moi, oui moi quelqu'un a su se montrer assez doué et présent dans ma vie pour m'aider à dompter et maîtriser. Je ne vis plus aucun rejet car je sais ce que je suis, ce que je vaux. Mais lui, oui celui que j'affectionne tant ne semble pas enclin à le ressentir de la même manière de ma personne. « Pourquoi ne serais-je pas de ceux qui peuvent comprendre les différences ? Car c'est bien de cela dont tu parles ? » Je me replace face à lui en compagnie d'un petit rire. Non moqueur mais bien afin d'appuyer mes dires suivants. « Qui a dit que d'autres ne sont pas comme toi et, ils sont souvent plus proches que ce que tu ne peux imaginer. » La main se hisse, elle est en mouvement avec nonchalance. Replaçant ma paire de lunettes correctement le long de l'arrête de mon nez. Avec lenteur, je finis même par me désigner moi même, au niveau du torse. « Nous avons tous des secrets alors ; si tu souhaites en parler. Oh et, jamais je ne te prendrais pour un fou et ce, peu importe ce que tu peux me cacher mon cher Lilian. » 

Le sujet est houleux à aborder et je suis peu à même de parvenir à mettre à l'aise Lilian. Il l'ignore mais mes sentiments à son égard sont importants et ceux-ci m'empêchent de me montrer à l'aise avec ce genre sujet de discussion. Je ne sais que faire, que dire pour me montrer à la hauteur. Même pire, mon rire en dit long sur ma situation. Moi qui pensais parvenir à détendre un peu l'ambiance, je me suis totalement loupé. Dire que je suis à côté de la plaque serait un euphémisme. Je me mords un peu la lèvre, le faciès un brin crispé un instant tout en baissant les yeux un petite instant. La main droite se hisse même au niveau de mes lunettes que je retire pour le moment, les conservant closes dans ma main droite. C'est certain, cela est même bien vrai. Auparavant, mon esprit était bien étriqué, très refermé sur moi-même. L'alcool, la drogues et autres vices, je ne daignais penser qu'à ce genre de détails. Ah pauvre homme que j'étais. Alors, un individu tel Lilian parlant tout seul, je vous laisse imaginer mon opinion de l'époque. Quel crétin.

En tous les cas, j'ai au moins le mérite d'être tombé dans le juste. A nouveau, le surnaturel se présente à nouveau dans ma vie, au travers celui que j'affectionne. « Je n'étais qu'un pauvre gamin crispé par ses addictions. Un imbécile. Vraiment navré. » Ma main libre, la gauche parvient au niveau de ma chevelure que je gratte un moment. Mon buste s'incline ensuite afin d'appuyer mes dires, mes excuses. « Je comprends en tous les cas ce que tu peux penser ou vivre. Je t'assure que je ne suis plus le même du tout, je ne suis pas ici pour venir te voir toi et uniquement toi pour agir comme un crétin demeuré. Si tu as besoin de parler avec moi, tu le peux tu sais. » Je m'approche à nouveau bien que je me fige à son tout dernier commentaire. Comment ai-je pu agir sans prendre en compte son œil et sa cécité. Un soupir, long tandis que je m'incline à nouveau. Une puis une deuxième fois. « Navré, vraiment. Je suis vraiment peu doué parfois. » Les lunettes finissent par revenir sur mon nez. « Car si tu veux tout savoir Lilian ; je suis moi-même capable de prouesses étranges. Je... maîtrise le vent. » La phrase sonne étrange, très étrange mais prononcée ainsi, j'espère pouvoir détendre un peu l'ambiance. 

Mettre les dieux pieds dans le plat. J'ai comme cette sensation, cette douce impression que je pourrais presque écrire un roman complet dans lequel je donnerais mon enseignement sur le sujet. Je suis le roi, mon pauvre esprit est le dieu de ce genre d'ambiance et surtout, pour appuyer encore plus sur les points douloureux. Mon regard vers lui après m'être incliné, je finis par pencher un peu la tête sur le côté droit sans ne pouvoir prononcer un seul mot. Lui, il tourne le regard, sûrement pour se préserver, se protéger de ma soudaine attitude certainement mauvaise. Enfin je pense. A nouveau un soupir incontrôlable quitte ma bouche, ma main venant se frotter contre ma nuque en guise de don de calme. Puis une grande inspiration, les joues gonflés je conserve l'air en bouche que je relâche. « Ah. J'arrête j'arrête, promis. Mais pourquoi encore un mensonge ? Ce n'est pas dans mon habitude. » A bien réfléchir, je pourrais bien être vexé de cette dernière question mais je me dois de me maîtriser car après tout, le roi des plombeurs d'ambiance jusqu'à maintenant et bien, c'était moi.

Les bras se croisent derrière ma tête, comme pour me donner une allure décontractée, l'extrême inverse de mon état mental, de mes pensées. Elles se mélangent, se perdent un peu. Moi qui voulait le surprendre, lui prouver que je souhaite encore être là pour lui, c'est un échec total. Pire, son soudain rire ne me trompe pas. Lilian n'est pas ainsi, une telle attitude démontre bien que je me suis totalement loupé. Je ne sais que faire, que dire. Hm. Les personnes étranges ? Sans doute mais... « Ce monde ne l'est-il pas après tout ? Depuis quelques semaines, je ne cesse de me dire qu'il est assez bien placé dans le domaine. De même, j'espère être dans le haut du panier. » Vraiment. Je prie afin qu'il m'estime encore un peu. Aah, depuis quand suis je si pessimiste ? Bouge-toi bon sang. « Nous sommes deux alors. Et oui, c'est un peu bête de te dire cela ainsi mais c'est pourtant vrai. » Les bras à nouveau le long du corps, j'agite mes doigts, le bras tendu vers l'une des fioles présentes dans la pièce de celui que j'affectionne. Autour de celle-ci, du vent semble apparaître, étrangement visible à l’œil, permettant de soulever l'objet en verre. Dans les airs, elle finit par atteindre ma main tandis que j'observe mon vis à vis. Oui, aucun mot ne daigne se faire entendre.